Informations contradictoires sur le Tamiflu

Roche s'adresse aux médecins

Publié le 24/11/2005
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TOUT D'ABORD en ce qui concerne la menace de pandémie, il est bon de souligner que l'on est toujours au stade de l'épizootie, même si la très grande instabilité du H5N1 inquiète à juste titre tous les experts et motive une mobilisation de l'ensemble des autorités sanitaires mondiales.
Il est tout aussi évident que l'on ne pourra préparer un vaccin efficace que quand l'on disposera de la souche responsable de la pandémie : si bien que les essais actuels qui ont le mérite de préparer les équipes à la production de vaccin H5N1 ne peuvent prétendre déboucher sur une réponse vaccinale efficace en moins de six mois. Tant et si bien qu'en dehors des règles d'hygiène, la lutte contre la pandémie reposera sur l'utilisation de masques et d'antiviraux, au premier rang desquels figure Tamiflu.

Quelques rappels sur Tamiflu.
A ce titre, il est bon de rappeler que, jusqu'à présent, Tamiflu n'a été utilisé que rarement et le plus souvent très tardivement chez des malades atteints de grippe à H5N1, d'où des échecs très visibles.
En effet, cet inhibiteur de la neuraminidase est un antiviral spécifique de la grippe actif sur tous les types de virus A et B et, cela, quelles que soient les variations génétiques, les variations antigéniques portant essentiellement sur les hémagglutinines alors que le site actif de la neuraminidase virale reste stable, si bien que Tamiflu, dont la structure chimique est similaire à ce site actif, conserve son efficacité. Les quelques échecs mentionnés plus haut s'expliquent par les paramètres d'efficacité du produit, ce dernier étant d'autant plus efficace que le début du traitement est précoce. Une étude a montré que la durée de la maladie grippale était réduite de plus de trois jours en cas d'administration pendant des douze premières heures, de plus de deux jours pendant les premières vingt-quatre heures, l'efficacité demeurant bonne jusqu'au deuxième jour inclus. Autre paramètre important concernant l'utilisation en cas d'épidémie, Tamiflu n'inhibe pas la réponse immunitaire antigrippale en cas de contamination virale.
Dernière donnée dont on a beaucoup parlé dans la presse grand public, l'apparition de résistances du virus au produit. L'expérience japonaise, portant sur plus de 6 millions de patients traités par an, met en évidence un taux de résistance de l'ordre de 0,4 % chez l'adulte et de 4 % chez l'enfant. Des pourcentages relativement faibles par rapport à ce que l'on observe pour tout antibactérien ou antiviral ; de plus, on a constaté que les souches résistantes perdent souvent de leur virulence et de leur pathogénicité. D'ailleurs, le cas d'infections à H5N1 ayant généré une résistance chez un petit Vietnamien a permis de retrouver ce phénomène rassurant, le virus résistant mais affaibli.
Enfin, de récentes informations ont fait état de deux cas de suicides d'adolescents et de la mort de 12 enfants de moins de 16 ans qui prenaient du Tamiflu. A ce sujet, les responsables de Roche font remarquer que toutes ces données ont été observées au Japon, où le produit est très utilisé et que, surtout, rien dans les dossiers suffisamment documentés ne permet pour l'instant d'établir un lien de causalité et que d'ailleurs la FDA n'a pas d'ailleurs statué sur ce point. « Il est normal, compte tenu de l'utilisation potentiellement très large de Tamiflu, que ce produit fasse l'objet d'une pharmacovigilance rigoureuse, précise M. Henry-Vincent Charbonné. A contrario, il ne faut pas présenter comme des faits démontrés des cas rapportés, en oubliant au passage le très grand nombre de patients traités notamment aux Etats-Unis et au Japon, depuis plusieurs années. »

Tamiflu aujourd'hui.
Il est certain que les officines ont été véritablement dévalisées au début de l'automne, au fur et à mesure de la propagation de la peur de la pandémie. M. Charbonné regrette ces achats de précaution sans pour autant jeter la pierre à quiconque. Tirant les conséquences de ce phénomène, Roche a décidé de ne plus réapprovisionner les pharmacies avant que l'épidémie de grippe soit officiellement déclarée. Il s'agira bien alors de gérer une saison grippale « banale » en sachant qu'une grippe « banale » tue chaque année nombre de nos concitoyens. Si plusieurs centaines de milliers de boîtes sont affectées à cet usage, il est évident que Roche se prépare afin de faire face à une éventuelle pandémie.

Faire face à une éventuelle pandémie.
Parallèlement, Roche s'est activement préparé à la gestion d'une éventuelle pandémie en défendant son droit (celui de conserver son brevet) mais aussi en faisant face à ses devoirs. Faire en sorte que les quantités disponibles soient maximales et parviennent le plus rapidement possible. Dans ce contexte, un énorme effort industriel a été accompli : la production qui sera de 50 millions de traitements en 2005 passera à 150 millions en 2006 et à 300 millions en 2007. Cette production étant assurée par 13 unités, 6 internes au groupe et 7 unités indépendantes que Roche a choisies comme partenaires. A ce sujet, il faut rappeler que le processus de fabrication de Tamiflu, s'il fait appel à dix étapes de synthèse chimique relativement bien maîtrisées, est relativement longues (un peu moins d'un an) et que, par souci d'efficacité, Roche qui se tournera vers des partenaires qui lui permettent de gagner du temps : le premier facteur limitant est lié à l'obtention du premier composé intermédiaire, l'acide shikimique initialement extrait de l'anis (plus précisément la badiane chinoise). Cette ressource n'étant pas inépuisable, on se tourne de plus en plus vers un processus de fermentation permettant de pallier d'éventuelles limitations de matière première.
Le second facteur limitant vient de la phase qui permet de passer de l'époxide à l'azide, phase dangereuse faisant intervenir des matériels très toxiques avec les risques importants d'explosion surtout quand on manipule de grandes quantités. « Très clairement, c'est à ce niveau que nous recherchons des partenariats et non pas pour la mise du principe actif en gélules, ce qui est facile et rapide à faire. »
Quoi qu'il en soit, M. Charbonné précise que, jusqu'à présent, Roche a pu faire face à toutes les demandes de gouvernements pour constituer des stocks, le gouvernement français ayant été particulièrement réactif : il disposera de 14 millions de traitements à la fin de l'année et va compléter ce stock par une commande de dix millions de traitements sans compter des commandes de Relenza, l'autre inhibiteur de neuraminidase disponible.
Pour conclure, H. V. Charbonné estime que la France est bien préparée pour faire face à une éventuelle pandémie en sachant que la mise en pratique de la distribution du Tamiflu restera un challenge, un challenge qui incombe aux pouvoirs publics, même si Roche participe activement aux réflexions menées préventivement sur ce scénario de crise qui devra concilier impératifs de santé publique et structures libérales de notre système de soins ambulatoires.

Conférence de presse organisée par Roche.

> Dr ALAIN MARIÉ

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7850