Le Quotidien : Comment définissez-vous l’addiction sexuelle ?
Robert Weiss : Tout d’abord il est important de comprendre que nous ne la définissons pas par un type d’excitation sexuelle inacceptable pour la personne (comme l’homosexualité) ou atypique (fétichisme, sadomaso…), ni par la fréquence des actes sexuels, ni par la délinquance sexuelle. Les critères sont ceux de l’addiction : la préoccupation sexuelle est obsessive, devenant le principal but dans la vie ; les expériences sexuelles ont des conséquences négatives (MST, rupture des relations, perte du travail, arrestation) mais elles sont poursuivies ; même si la personne décide de ne plus continuer, elle est incapable de tenir ses promesses. Pratiquement tous ceux que nous traitons ont subi un traumatisme chronique précoce. Ils (ou elles) ont été négligés ou maltraités à la maison (père alcoolique par ex.), ou sexualisés à un jeune âge, ou violés (abus sexuel chez 30 % des hommes et 70 % des femmes). Avec ces blessures psychologiques profondes, ils utilisent l’excitation et la distraction du sexe pour se sentir mieux. On ne devient pas sex-addict parce que l’on aime le sexe.
Comment est-elle traitée au SRI ?
Au SRI et dans les autres centres que je supervise, nous privilégions généralement la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) basée sur la responsabilité, jointe à la thérapie de groupe, informée par la recherche du traumatisme subi, et le travail de rétablissement en 12 étapes. La TCC examine les émotions et les événements qui déclenchent et renforcent chez l’addict le désir de se livrer à une activité sexuelle compulsive, puis elle identifie des stratégies saines lui permettant de court-circuiter le processus - généralement en recourant à un comportement sain (en demandant de l’aide à un pair, un thérapeute, un ami ou un membre de la famille, en allant a une réunion d’Association d’aide aux addicts sexuels en 12 étapes, en priant et/ou en méditant, ou en faisant de l’exercice ou en jouissant d’un hobby).
Les objectifs du traitement sont les suivants : détourner le sex-addict de ses comportements sexuels néfastes ; lever le déni sur leur nature problématique ; aider le sex-addict à faire le deuil de la personne qu’il percevait être ; aider le sex-addict à comprendre comment un trauma, un abus et/ou une négligence passés ont influencé ses premières expériences et son comportement actuel ; réduire la honte en l’aidant à considérer ses actes sexuels comme un mécanisme compensatoire plutôt que comme un défaut inhérent du caractère ; lui donner des techniques pour prévenir la rechute. Au final, l’objectif du sex-addict est de lui permettre d’avoir un comportement sexuel non compulsif et non problématique.
Quelles sont les modalités du traitement ?
L’arc thérapeutique de chaque sex-addict est différent. Chacun arrive avec ses propres comportements sexuels problématiques et un passé unique et nécessite donc une approche personnalisée. Certains répondront mieux à une thérapie individuelle complétée par un travail en groupe et en 12 étapes. D’autres s’en sortiront mieux en séances de groupe. Et d’autres auront des difficultés absolues tant qu’ils ne seront pas séparés, par les murs protecteurs d’un traitement résidentiel, des gens, des endroits et des choses stimulant leur addiction. L’important est de reconnaître l’individualité du sex-addict.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature