A partir d'une enquête couvrant à la fois le régime général d'assurance-maladie et celui des salariés agricoles, la Cour des comptes rend public un rapport alarmant sur la gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Elle estime qu'une réforme d'ensemble est nécessaire. « La création, dans la période récente, de mécanismes spécifiques pour la réparation de certains risques professionnels comme l'amiante, montre que, à défaut d'adaptation, l'avenir même du système pourrait à terme être en cause », estime la cour.
La Cour des comptes dénonce notamment la mauvaise connaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles : les systèmes sont cloisonnés entre les divers régimes d'assurance et hétérogènes, les statistiques sont partielles. « Les données sont affectées par une sous-déclaration des accidents du travail et une sous-reconnaissance des maladies professionnelles, car elles doivent figurer dans le tableau des maladies professionnelles qui est devenu obsolète », commente Christian Babusiaux, conseiller maître, qui a rédigé le rapport.
La cour met par ailleurs en évidence les insuffisances de la politique de prévention, ce qui pose problème, en particulier dans le domaine des maladies professionnelles, qui occupent une place croissante.
La tarification des cotisations, qui vise en théorie à individualiser les cotisations des employeurs en fonction des risques pour inciter les entreprises à la prévention, répond à des mécanismes trop complexes et mal contrôlés. Le rapport met en évidence une mutualisation des risques excessive, dont souffrent certains secteurs comme celui du bâtiment et travaux publics (BTP), où les accidents mortels ou graves demeurent nombreux.
Prévention insuffisante
Le régime général et la Mutualité sociale agricole utilisent très peu la panoplie d'instruments qui leur permet de mener des actions de prévention. L'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), principal outil d'étude, de recherche et d'assistance aux entreprises, ne joue pas une fonction d'alerte, tandis que l'Institut de veille sanitaire (InVS) ne dispose pas encore des moyens nécessaires pour le faire.
Au chapitre des modalités de l'indemnisation des victimes, la cour souligne la forte disparité des taux de reconnaissance des maladies professionnelles selon les caisses (ils varient de 22 % à 88 %). Surtout, elle s'alarme du fait que les principes mêmes de l'indemnisation posent désormais problème : « Dans certains cas, les victimes d'accidents non professionnels sont désormais mieux indemnisées que les victimes de risques professionnels, par une réparation dite "intégrale" », explique Gabriel Mignot, président de la 6e chambre, qui a été chargée du rapport. A l'intérieur des risques professionnels, les victimes ou leurs ayants droit ne sont pas toujours indemnisés de la même manière, selon qu'il s'agit d'un accident du travail, d'un accident de trajet ou d'une maladie professionnelle.
Le rapport souligne, en outre, que la branche AT-MP du régime général, en suréquilibre apparent (environ 350 millions d'euros par an d'excédent), est en réalité en déficit, parce que de nombreuses dépenses qui devraient lui revenir sont à la charge de la branche assurance-maladie. Les raisons sont nombreuses, comme la non-imputation des dépenses d'hospitalisation induites par les risques professionnels. Enfin, la Cour des comptes dénonce les lacunes dans l'organisation générale de l'action des pouvoirs publics et de la Sécurité sociale contre ces risques. Elle rappelle les blocages et retards de fonctionnement du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels (CSPRP) et sa commission des maladies professionnelles, alors qu'elle a la charge « importante » d'établir les tableaux de maladies professionnelles.
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