De notre correspondante
« Vivre à proximité de substances chimiques dangereuses, souvent sans le savoir, est devenu, depuis Toulouse, une situation difficilement acceptable par la plupart de nos concitoyens », a constaté Yves Cochet.
A l'exception du représentant des industries de la chimie qui s'est déclaré « surpris » par l'accident de Toulouse, la plupart des participants au débat n'avaient d'ailleurs pas attendu ce drame pour tirer la sonnette d'alarme dans cette région PACA qui compte 64 établissements à risque majeur.
A Martigues, ils sont venus redire leur inquiétude et rappeler ce que beaucoup d'entre eux demandent en vain depuis de nombreuses années : de meilleurs contrôles des entreprises à risque et de leurs sous-traitants, une meilleure information, une plus grande implication des salariés et des populations voisines.
Délégués des comités d'hygiène et sécurité (CHSCT), élus, scientifiques, associations de riverains et représentants des DDIRE et DRIRE (directions départementales ou régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement) ont souvent tenu le même langage. Beaucoup ont regretté que les informations officielles sur la dangerosité des produits et des procédés industriels soient fournies par les seuls responsables de l'entreprise. Or, c'est d'après ces « études de danger » que sont délimitées les zones géographiques à risque, établis les plans de secours et déterminés les contrôles.
D'où une première demande, apparemment entendue par le ministre : que l'analyse des risques soit effectuée avec tous les acteurs concernés, et notamment les CHSCT. « Il faut élargir leurs compétences et nous y travaillons », a-t-il assuré. Pour lui, « dans une société complexe, il faut que plusieurs pouvoirs s'exercent ; plus il y aura d'acteurs ayant les moyens de s'exprimer, plus il y aura de sécurité ».
Dans cette optique, les riverains devraient également être plus impliqués dans les projets d'implantation, d'extension ou de modification des entreprises, et les enquêtes d'utilité publique (dont la population a souvent l'impression qu'elles ne servent à rien) devraient être améliorées : « Il faut donner aux associations les moyens de proposer des alternatives », estime le ministre à ce propos.
Quant à la Commission nationale du débat public, elle devrait désormais prendre son indépendance vis-à-vis du gouvernement. On sait que son rôle a été contesté par les mouvements écologistes et par Yves Cochet lui-même dans la toute récente décision de construire le troisième aéroport.
Augmenter les moyens de contrôle
L'une des revendications développées par tous (sauf, sans doute, les industriels), c'est l'augmentation des moyens de contrôle. On compte en France 869 inspecteurs des DRIRE chargés de contrôler les études de dangerosité déposées par les industriels et d'inspecter les quelqu 34 000 installations qui le nécessiteraient. Résultat : « Nous sommes obligés de cibler nos interventions », disent-ils. Les sites Seveso sont prioritaires mais des membres des CHSCT expliquent que les contrôles en question sont toujours annoncés suffisamment à l'avance, entraînant un grand remue-ménage préalable autour des postes ainsi ciblés. Et de nombreuses entreprises non classées Seveso présentent une dangerosité qui, pour être géographiquement plus limitée, n'en mériterait pas moins d'être contrôlée, sans parler de la sous-traitance souvent désignée comme facteur de danger. Mais les responsables de la DRIRE estiment qu'il faudrait au moins tripler les effectifs d'inspecteurs pour répondre aux tâches actuelles. Yves Cochet reconnaît que « ce ne serait même pas encore suffisant, mais tous les ministères veulent augmenter leurs effectifs ». La loi de Finances 2002, qui prévoyait 50 inspecteurs de plus, a revu ses chiffres après l'accident de Toulouse pour porter cette augmentation à 150, qui seront recrutés dès le 1er janvier.
Les dispositifs d'urgence en question
Les mesures prises en cas d'accident ont également été discutées et le ministre a reconnu l'impossibilité d'en appliquer certaines. « Aucun être humain normal ne peut accepter de s'enfermer chez lui sans téléphoner, lorsque ses enfants sont à l'école au moment de l'alerte. » L'information de la population est de toute façon apparue insuffisante malgré un réel effort pour diffuser des brochures et organiser des réunions. Les riverains de l'étang de Berre ont d'ailleurs pu constater grandeur nature tous les dysfonctionnements des dispositifs d'urgence. Lors de l'explosion de la raffinerie Total de La Mède, qui fit six morts en 1992, des embouteillages monstres auraient décuplé l'ampleur de la catastrophe si des fuites de gaz s'étaient produites, les sirènes d'alarme n'ont pas ou tardivement fonctionné et de nombreux établissements accueillant des enfants n'avaient (et n'ont toujours) aucun espace de confinement non vitré. Aujourd'hui encore, comme le constate un médecin, « le seul local de confinement possible pour la crèche qui reçoit 40 enfants, c'est le bureau du médecin qui fait 3 mètres sur 3 ».
L'acceptation du risque
Outre les améliorations à apporter dans les dispositifs de surveillance et de secours, une réponse au dilemme industrialisation-urbanisation a pu être entendue entre les mots des différents responsables, c'est « l'acceptation du risque ». Mais pour accepter, encore faut-il se sentir bien informé. Or une enquête d'opinion menée sur 1 500 habitants de la zone de l'étang de Berre montre qu'en cela la population fait peu confiance aux médias et aux élus, et encore moins aux industriels, mais plutôt aux CHSCT, aux scientifiques et en premier lieu, aux médecins. Lesquels reconnaissent, pour la plupart, n'avoir guère plus d'informations que leurs patients.
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