R EUNIS sur le thème de l'insécurité, à quelques mois de l'élection présidentielle, à la demande des ministres délégués à la Santé et à la Ville et du ministère de l'Intérieur, les représentants du monde médical* ont été entendus et écoutés par les pouvoirs publics. Il était urgent de trouver des solutions aux problèmes rencontrés par les généralistes, notamment, amenés à se déplacer dans des quartiers de non-droit, qui risquent de devenir à terme des « zones de non-soins », comme l'a reconnu Claude Bartolone en mettant l'accent sur leur mission de service public.
3 000 crimes ou délits en cinq mois
Pour les cinq premiers mois de l'année, 2 788 crimes ou délits, « de nature très diverse », ont été commis contre les professionnels de santé. Pour la moitié, il s'agit de vols simples, et les médecins sont les plus nombreux à subir des cambriolages ou des agressions physiques ; 95 sont des vols avec violences ou des vols de produits toxiques.
La « sécurisation des lieux de soins » est donc indispensable et les préfets, qui ont à leur disposition les 500 millions de francs annuels du Fonds de revitalisation économique, devront dégager des crédits nécessaires. Des Maisons de santé vont être créées là où les besoins se font sentir. Adaptées à la spécificité du public avec des horaires élargis, des soins de nuit et une éducation à la santé, elles donneront aux professionnels de meilleures conditions de travail. Le Comité interministériel des villes, qui doit se réunir à la mi-septembre, précisera les moyens mis en uvre pour créer ces Maisons médicales. Il faut aussi multiplier les correspondants de nuit, chargés d'accompagner les médecins au cours de leurs visites. En outre, 4 000 des futurs 10 000 adultes-relais (emplois pour des chômeurs), annoncés pour les 3 prochaines années afin de rendre plus facile la vie quotidienne des quartiers sensibles, bénéficieront d'une formation en santé publique. Payés à 80 % par l'Etat, ils auront une fonction de médiation entre la population et les acteurs de santé. Lesquels sont appelés à participer aux contrats locaux de sécurité et aux groupes locaux de traitement de la délinquance. Les praticiens libéraux auront droit à une aide aux victimes (soutien psychologique et juridique), prise en charge dans le cadre des contrats de ville.
Un Groupe de suivi sur la santé et la sécurité, présidé par le Pr Jacques Lebas, a été installé à la Délégation interministérielle à la ville : il dressera un état des lieux précis, de manière à identifier les zones désertées par les médecins et les pharmaciens.
Des professionnels
déjà organisés
Plusieurs localités « à quartiers chauds » s'organisent déjà face à l'insécurité. A Blois (Loir-et-Cher), l'association Quartier proximité emploie 12 correspondants de nuit, entre 17 h et 2 h 30. Ils interviennent aussi lors des gardes des pharmaciens. Le service est co-financé par la politique de la Ville, les bailleurs et la commune. La France compte aujourd'hui environ 500 correspondants de nuit, recrutés sous des statuts divers, tels qu'emplois jeunes, adultes-relais et autres contrats aidés. A Evry (Essonne), le Réseau Evry-Santé a mis en place, en mars 2000, avec le concours de 20 généralistes et d'un agent d'accueil, une consultation les soirs de semaines de 20 h à 23 h et le samedi de 17 h à 23 h, au Centre municipal de santé. Au Havre (Seine-Maritime), une Domus medica, propriété de l'Ordre, est ouverte la nuit et les samedis-dimanches. La ville la finance à hauteur de 100 000 F, en plus d'une participation du Fonds d'aide à la qualité des soins en ville, créé par le gouvernement en novembre 1999.
A Strasbourg, 14 agents de médiation et d'assistance, sous contrat emploi jeune, exercent par roulement de 6 h à 22 h, une présence active aux accueils du CHU, sur les aires de stationnement de voitures, dans les couloirs et les ascenseurs.
Dans l'Oise, l'Ordre « assiste les médecins dans leur dépôt de plainte, en se portant partie civile, leur fournit une assistance juridique et incite au regroupement de praticiens au sein d'un même cabinet ». Pour sa part, le Syndicat des pharmaciens a établi « un système de fiches de signalement des incidents et instaure un partenariat entre police municipale, médecins de garde et officines ».
Enfin, en Seine-Saint-Denis, il est remis aux praticiens une liste de « policiers référents » par le commissariat et la Direction départementale de la sécurité publique, ainsi qu'un livret de conseils de sécurité par les îlotiers de quartiers.
Face à la violence, face aux quartiers difficiles, « la réponse doit être collective, et les réseaux y participent », déclare Bernard Kouchner. « Ce n'est pas par des barreaux de fer qu'on réglera le problème. C'est une réponse visionnaire de la société qu'il faut », insiste le ministre délégué à la Santé.
* Etaient présents, entre autres, le 11 juillet au ministère de la Ville, les Drs Patrick Brasseur (SOS Médecins), Jean Gras (Fédération des médecins de France), Jacques Lucas (Ordre) et Claude Maffioli (Confédération des syndicats médicaux français).
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