Pour David Le Breton (professeur de sociologie, Strasbourg), les conduites à risque sont des appels à vivre, une façon « d'accoucher de soi dans la souffrance », chez des jeunes qui ont perdu le choix des moyens et sont victimes d'une « altération profonde du goût de vivre ».
Elles se distingueraient de celles qui existaient il y a vingt ou trente ans par leur très grande fréquence, due à une société où « le sens donné à la vie ne dépend plus de la tradition, mais de la liberté immense donnée à chacun de nous, avec la rançon d'un profond sentiment de solitude ».
Bien que la très grande majorité des adolescents s'intègre de manière heureuse, il arrive que certains aient besoin de ces conduites pour répondre à une exigence contradictoire (une ambivalence) de « quête d'indépendance et de réassurance » (par exemple, par le groupe de pairs).
Rien ne permet d'identifier un jeune à risque de ce type de conduite. Seule son histoire personnelle en rend compte, mais, a posteriori, les raisons de mettre sa vie en danger n'obéissent à aucune régularité. Il peut s'agir d'abandon des parents ou au contraire de surprotection, d'abus sexuels, de divorce très difficile, de l'hostilité d'un beau-parent, etc., de décalage entre une culture familiale et celle rencontrée à l'école, de recours à « la culture de la rue ».
Pour David Le Breton, il y a, de toute façon, une « absence de limites, un amour difficile à repérer », favorisé par la « précarité de la relation matrimoniale » : dans la famille nucléaire, donc restreinte, l'adolescent n'a plus le recours d'autres adultes que ses parents, au contraire de ce qui se passait dans la famille élargie d'autrefois.
Les conduites à risque seraient ainsi une épreuve de construction de soi, apparentée au sacrifice, puisqu'il s'agirait de « perdre une partie de soi pour sauver l'essentiel », ou à l'ordalie, jugement de soi par le « Grand Autre » (Dieu, Hasard, Destin). Ce serait leur côté positif, voire estimable : elles autoriseraient une « restauration de la parole ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature