Le pool d'assureurs français qui couvre la responsabilité civile (RC) de 1 050 médecins et 560 cliniques cessera son activité le 31 décembre prochain : sa reconduction n'aura pas lieu. C'est ce qu'affirme en tout cas Jean-Marc Lamère, le délégué général de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA).
Cette annonce contre-dit ce qu'avait déclaré Jean-François Mattei il y a un mois. Le ministre de la Santé avait, à l'époque, laissé entendre que le Groupement temporaire d'assurance médicale (GTAM) pourrait être reconduit pour un an, si les assureurs ne se décidaient pas à réinvestir le marché de la RC médicale, afin d'éviter que certains médecins ou établissements de santé ne se retrouvent sans couverture au 1er janvier 2004.
« Le GTAM est une organisation privée qui ne dépend que des assureurs adhérents à la FFSA, répond Jean-Marc Lamère. C'est une structure transitoire, comme son nom l'indique. Sa fermeture en fin d'année a déjà été validée par les instances de la FFSA. »
L'avis du président du GTAM est plus nuancé. « Les statuts prévoient la fin du GTAM en fin d'année, rappelle Pierre Florin. Dans les conditions d'aujourd'hui, c'est tranché : le GTAM ferme le 31 décembre. Mais si de nouveaux éléments surviennent - par exemple, si le bureau central de tarification des assurances (BCT) ne voit pas le jour ou si aucun assureur ne revient -, il faudra peut-être revoir notre décision. »
Pénurie d'offre prévisible
L'avenir du GTAM est un sujet brûlant, de l'avis d'un spécialiste du dossier, convaincu que pour l'heure rien n'est tranché. Face à cette situation inquiétante, les médecins et cliniques que le GTAM assure ont tout intérêt à démarcher les compagnies au plus vite pour trouver un nouveau contrat l'an prochain. Inutile d'aller chercher en dehors de nos frontières, d'après la FFSA, qui confirme ce que beaucoup redoutaient : les assureurs étrangers n'ont pas du tout envie de revenir sur le marché français. Ils estiment la France trop exposée avec sa loi sur les droits des malades. L'exemple de la Suède les a, semble-t-il, refroidis : dans ce pays, le nombre de réclamations venant des patients a été multiplié par cinq après la mise en place d'une réglementation semblable.
Les assureurs français sont-ils prêts à assurer individuellement la totalité des futurs rejetons du GTAM ? Rien n'est moins sûr. Les praticiens peuvent compter sur la MACSF-Sou médical, puisque cette société offre des contrats à toutes les spécialités, y compris les plus risquées. Mais à des prix qu'ils jugeront peut-être trop élevés.
Quant aux cliniques privées, la tâche s'annonce ardue. La FFSA est convaincue qu'il n'y aura pas un retour à 100 % du marché RC médicale, et juge « probable » l'existence d'une pénurie d'offre pour les établissements en 2004. AXA acceptera quelques cliniques supplémentaires, mais dans des proportions raisonnables.
Les autres compagnies ne semblent pas emballées à l'idée d'élargir leur portefeuille dans ce secteur. Ce qui fait dire à la FFSA que certaines cliniques, peut-être des dizaines, se retrouveront sur le carreau. Il ne leur restera alors qu'une solution : saisir le BCT, qui se chargera de leur trouver un contrat avec l'assureur de leur choix.
Une démarche qui évitera aux établissements et aux praticiens de cesser leur activité (la loi Kouchner les oblige à s'assurer), mais qui comporte un inconvénient de taille : le montant des primes, fixé par le BCT, restera élevé. Sans doute encore plus que les tarifs pratiqués cette année, prévoit la FFSA, qui précise une nouvelle fois son avis sur la question : les montants ne sont pas excessifs, ils correspondent au coût du marché.
« Il faut être bien clair, il n'y aura pas de retour en arrière en ce qui concerne le montant des primes, insiste Jean-Marc Lamère. Tous les signaux vont dans le même sens : la réassurance est en difficulté, nos produits financiers baissent. Quant à la sinistralité, elle ne cesse d'augmenter. »
Deux fois plus de déclarations contre les médecins spécialistes et une multiplication par 1,5 du montant des sinistres en quatre ans : pour les assureurs, ça fait trop. La FFSA a conscience de présenter une note salée aux médecins. Mais la Fédération le dit et le répète, la baisse de ses tarifs est impensable. Alors, pour sortir de la crise, la FFSA propose plusieurs pistes. Estimant que les praticiens français sont coincés par les prix fixés par l'assurance-maladie, elle suggère un retour aux libres honoraires, tout en précisant que ce n'est pas à elle d'en décider (à l'instar des gynécologues-obstétriciens américains, qui payent leur prime cinq fois plus cher que celles du GTAM, mais qui pratiquent le prix qu'ils veulent).
Autre piste avancée : la prise en charge par l'Etat du surcoût occasionné pour les spécialités à risques. La FFSA propose également d'élargir la mutualisation des coûts d'indemnisation, et, en ce sens, demande que l'ONIAM (Office national d'indemnisation des accidents médicaux) paye plus souvent les indemnités que ne le prévoit la loi About, du 30 décembre 2002.
Le bureau central de tarification bientôt opérationne ?
Le bureau central de tarification des assurances*, ou BCT, est un organisme paritaire qui réunit des représentants des assureurs et des assurés au sein de bureaux spécialisés pour les différents risques assurés : automobile, construction, catastrophes naturelles, et depuis la loi Kouchner de mars 2002, le risque médical. Son rôle : aider ceux que la loi oblige à s'assurer à trouver un contrat. En place depuis un an, la section médicale n'est qu'une « coquille vide », d'après le président du BCT, le Pr Georges Durry. Explication : « Le BCT (sa branche médicale) ne fonctionne pas car ses membres ne sont pas au complet. » En effet, le ministère de la Santé n'a toujours pas nommé les six représentants des assujettis (les assurés), alors que Bercy a nommé les six représentants des assureurs au printemps. Conséquence de ce retard : « Si le BCT était saisi par un médecin ou un établissement de santé, il ne pourrait pas fonctionner », indique le Pr Durry. Avenue de Ségur, on précise que Jean-François Mattei vient juste de signer l'arrêté qui fixe la représentation du BCT, et que sa parution devrait survenir cet été, pour une mise en fonction du bureau en septembre au plus tard. Nul besoin d'attendre que le BCT soit opérationnel pour le contacter, précise toutefois le juriste Georges Durry : « Nous sommes déjà armés pour fournir les renseignements sur la procédure à suivre pour nous saisir. » Car ne saisit pas le BCT qui veut. L'assujetti doit d'abord s'être heurté à deux refus d'assureurs. Puis il doit préciser au BCT par quel assureur il souhaite être assuré - l'assureur est alors obligé de l'accepter. L'instruction du dossier dure au minimum deux mois, à l'issue desquels le BCT fixe le montant de la prime en tenant compte des intérêts des deux partis. « L'activité du BCT est directement liée à l'existence du GTAM, affirme le Pr Durry. A l'automne dernier, on a été noyé sous les demandes de médecins et de cliniques, mais n'étant pas instauré, on n'a rien pu faire. Le GTAM a pris le relais. » Est-ce à dire que la création du BCT signera la fin du GTAM ? C'est l'avis de Pierre Florin, président du GTAM : « Il ne pourra pas y avoir de double emploi. »
D. Ch.
* Bureau central de tarification des assurances, 11, rue de la Rochefoucauld, 75009 Paris. Tél. 01.53.32.24.80
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