« DEPUIS DES DÉCENNIES, il est admis que le virus de l'hépatite A se transmet directement de personne à personne soit par voie oro-fécale, soit par l'intermédiaire d'aliments contaminés, tandis que celui de l'hépatite C est transmis par voie parentérale (par le sang et ses dérivés) », souligne le Pr Elisabeth Bouvet dans un éditorial du numéro 5 du bulletin épidémiologique « Eurosurveillance ». Deux études réalisées chez des homosexuels rapportent des cas d'infection à VHB et à VHC et « il semble bien que des pratiques sexuelles spécifiques soient responsables de le transmission des virus dans cette population ».
La première étude, rétrospective, a été lancée alors que plusieurs cas d'hépatite C chez des patients VIH+ avaient été signalés à l'Institut de veille sanitaire (InVS) en janvier 2004. Entre mars 2001 et octobre 2004, 29 cas ont été recensés dans les trois hôpitaux parisiens (deux services de maladies infectieuses et un service d'hépatologie) choisis par les investigateurs (sur douze qui prennent en charge les patients VIH+). Pour chacun des cas, la séroconversion VHC a été documentée. Curieusement, aucun des facteurs de risque de transmission habituels ne sont retrouvés (utilisation de drogues injectables, accident d'exposition professionnelle, piercing ou tatouage). Mais on observe, dans 41 % des cas, la présence concomitante d'une infection sexuellement transmissible. De même, on note une forte fréquence de pratiques sexuelles à risque : tous les patients déclarent avoir eu des rapports anaux non protégés avec des partenaires multiples, 21 % signalent avoir eu une pratique « hard » (fisting), avec souvent une notion de saignement, visible ou non.
Alerter les médecins et les patients.
Selon le Pr Bouvet, l'étude pose un certain nombre de questions : les homosexuels VIH+ sont-ils les seuls touchés ? Si c'est le cas, pourquoi ? Cette population est-elle plus réceptive ou plus contagieuse ? Les pratiques sexuelles à risque de saignement sont-elles plus fréquentes dans cette population ? Dans son éditorial, elle souligne la nécessité de recherches approfondies : « Il est fondamental de connaître le mécanisme exact de la transmission afin d'adapter l'information et les mesures de prévention. » En dépit des limites de l'étude, l'analyse descriptive du phénomène qui y est faite doit alerter à la fois les médecins et les associations de patients.
La seconde étude concerne l'infection à VHA, et a été réalisée au décours de l'épidémie la plus importante et la première depuis plus d'une décennie qui ait touché le Danemark. Parmi les 163 hommes atteints, dont cent sept à Copenhague, soixante-huit ont déclaré avoir des relations homosexuelles. Afin de déterminer les facteurs de risque d'infection, une étude cas-contrôle a inclus 18 homosexuels VHA+ (IgM) et 63 sujets, âgés également de plus de 17 ans, qui ont participé à la Gay Pride de Copenhague en août 2004. Le pourcentage de personnes VIH+, plus élevé dans le groupe patients que dans le groupe témoin, indique déjà une fréquence plus élevée des comportements à risque. Les rapports sexuels avec de multiples partenaires occasionnels dans les saunas et les pratiques oro-anales ou digito-anales sont associées à un risque plus grand de transmission du VHA. L'épidémie de Copenhague a touché d'autres pays, comme la Suède (au moins 13 cas) et la Norvège. Au vu des résultats, les auteurs recommandent la vaccination chez les homosexuels, surtout lorsqu'ils fréquentent des saunas ou d'autres lieux d'échange. Dans son éditorial, le Pr Bouvet affirme que ce mode de transmission « va probablement croître dans les prochaines années, du fait d'une susceptibilité plus importante des jeunes dans les pays du nord de l'Europe où l'incidence du VHA est faible, du fait aussi de l'augmentation des contacts avec d'autres jeunes venant de régions à forte prévalence et de l'apparition de pratiques sexuelles induites par une meilleure connaissance du mode de transmission du VIH mais qui facilitent la transmission oro-fécale ».
Les auteurs indiquent qu'il va être nécessaire d'établir un consensus en Europe sur les mesures de prévention et de contrôle afin d'éviter une extension des cas parmi les homosexuels. Des campagnes sur les risques devraient être organisées, à propos de la fréquentation des saunas par exemple, afin d'informer les homosexuels danois, mais aussi ceux qui sont susceptibles de se rendre au Danemark.
Coïnfections fréquentes chez les séropositifs
Avec l'avènement des trithérapies et l'allongement de la durée de vie des patients VIH+, la prise en compte de la morbidité et de la mortalité liées au VHB et au VHC deviennent essentiels dans le prise en charge des patients. Afin d'évaluer la prévalence des coïnfections, une étude transversale a été réalisée le 22 juin 2004 dans 277 services répartis dans toute la France et chez 1 849 patients (90 % de ceux qui ont été sollicités). Les résultats, publiés dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (n° 23/2005), confirment l'importance des formes chroniques des hépatites B et C dans la population VIH+ prise en charge dans les établissements de soins de court séjour. Alors que 44,5 % des sujets ont au moins un marqueur sérique du VHB (anticorps anti-HBc, antigène HBS ou ADN VHB), 7 % d'entre eux présentent une forme chronique d'hépatite B. L'infection à VHC est fréquente (24,3 %), avec une forme chronique dans près de trois quarts des cas. Les coïnfections chroniques VHB-VHC représentent 0,8 % des cas. En dépit des recommandations, la vaccination contre le VHB est très faible.
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