De notre correspondante
C'est certainement la plus vaste enquête menée en France sur la prévention du « risque alcool » en entreprise, qui interroge tout à la fois les représentations, la consommation d'alcool et les actions effectuées. Financée par l'URCAM et la DRASS dans le cadre du PRS (programme régional santé) alcool, elle a été réalisée pour le compte de deux associations rhônalpines* sur un échantillon de 3 000 entreprises publiques et privées de plus de 50 salariés.
L'analyse porte sur 412 réponses ; elle révèle que « 28 % des répondants disent avoir mis en uvre des actions concernant l'alcool », indique le directeur de l'Observatoire social de Lyon, chargé de conduire l'enquête. « Mais ces actions restent souvent organisées en réaction à des situations concrètes d'alcoolisation, dans la perspective de problèmes à résoudre », remarque Christian Harzo. Les résultats confirment, par ailleurs, l'existence de profondes carences en matière d'évaluation, tant de l'évolution de la consommation d'alcool que de l'effet des actions mises en place. Ils mettent aussi en exergue l'incapacité des entreprises à se remettre en cause dans leur organisation : « Le fait que le système puisse générer une alcoolisation à risque est totalement occulté », note Christian Harzo.
Enfin, et ce n'est pas une découverte, ce travail met en évidence la polysémie des représentations liées à l'alcool qui, finalement, ne font que traduire l'ambivalence sociale et culturelle ambiante, l'alcool étant aussi bien synonyme de convivialité que de déchéance !
Travailler sur les tabous
Ce travail d'enquête, dont l'intérêt a été souligné par la direction générale de la Santé, est suivi de près par une étude qualitative qui devrait permettre d'évaluer les besoins des acteurs en matière de prévention. Pour le directeur de l'association Aides-Alcool, à Lyon, les premières données indiquent clairement qu'il faut encore « travailler sur les tabous », notamment ceux qui font considérer que seul l'alcool des alcooliques pose problème. « Nous devons parler du risque alcool pour l'ensemble de la population, insiste Jean-François Valette, c'est la seule manière d'entrer dans une culture de la prévention. » Depuis la mise en place du PRS alcool en 1998, des milliers de salariés se sont inscrits dans une action visant à mieux gérer le risque alcool en entreprise. « L'Etat a apporté 920 000 euros, toutes actions confondues », rappelle Jean-François Bénévise, directeur de la DRASS Rhône-Alpes. Cette institution est même allée plus loin en s'engageant dans une action de prévention interne en 2001. « Nous en sommes au début, précise le directeur de la DRASS, mais je confirme que cette démarche est un gage d'efficacité. »
Le tri par l'évaluation
L'accompagnement, dans le temps, des entreprises reste le fruit d'une patience méthodologique et d'une liberté d'action que seules les associations disposant d'un financement public sembleraient être en mesure de proposer. Aussi se disent-elle gênées par « la montée en puissance de sociétés privées qui proposent une prise en charge des problèmes d'alcool au travail », indique Jean-François Vallette. Dénonçant un « dérapage éthique », il observe que ces sociétés se contentent de poser le problème sous un angle économique, au détriment de la santé publique. « Le secteur devient monnayable, et c'est peut-être un passage obligé pour la reconnaissance », nuance le directeur de la DRASS. Avant de conclure : « L'évaluation fera le tri. »
* Contact-Isère, à Grenoble (tél. 04.76.12.90.80), et AIDES-Alcool, à Lyon (tél. 04.72.41.76.98 ).
Une méthode, des outils
Chaque entreprise tisse, entretient et parfois même cultive un rapport complexe avec l'alcool. Toute action de prévention standardisée est donc inévitablement vouée à l'échec. La démarche préventive ne peut résulter que de l'élaboration d'un savoir-faire propre aux collectifs de travail, par le biais d'une méthodologie éprouvée par la pratique. C'est dans cette optique que Jean-Paul Janin, alcoologue, enseignant en sciences et formateur en entreprise, a mis quelque 20 années d'expérience à contribution pour publier une méthodologie de la gestion du risque alcool au travail. Dans les 400 pages en 6 chapitres de « Gérer le risque alcool au travail »*, il propose de guider les intervenants potentiels, qu'ils soient médecins du travail, membres d'un CHSCT ou dirigeants, dans une démarche de prévention, à l'aide d'une gamme d'outils validés par ses soins. En marge de la méthode, le débat reste toutefois grand ouvert, et Jean-Paul Janin se garde bien de prendre parti. Il se contente d'accompagner la réflexion et le changement qui peut en résulter.
* Chronique sociale, 24,50 euros.
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