SOUS LE TITRE accrocheur « le paiement à la performance est-il un jeu de dupes ? », le Dr Legmann, à la tête de l’Ordre des médecins, et le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF (syndicat hostile au P4P) décrivent dans une longue interview croisée le « marché de dupes consenti par les syndicats signataires » de la dernière convention. Ils condamnent notamment, au sujet de cette nouvelle rémunération sur objectifs, le « conflit d’intérêt entre le médecin et son patient » et la « somme (d’argent) méprisante au regard du travail effectué ».
Face à cette charge ordinale et syndicale contre un des piliers de la convention 2012, la CSMF et le SML, deux organisations signataires, ont aussitôt dénoncé « l’attitude du président du CNOM qui n’hésite pas à utiliser l’argent des cotisations obligatoires pour sortir de son rôle de garant de la déontologie, alimenter les divisions, semer la confusion sur la convention médicale et agresser les syndicats médicaux signataires de la convention ». Ambiance.
Opportunité ou danger?
Au-delà des mots durs échangés, cette polémique sur le P4P met en lumière deux visions opposées de cette petite révolution dans la rémunération des médecins libéraux.
Après avoir combattu les fameux CAPI (contrats d’amélioration des pratiques individuelles), la CSMF et le SML se sont ralliés au principe du paiement sur objectifs de santé publique en négociant avec l’assurance-maladie des modalités et des indicateurs plus adaptés à la pratique. MG France s’est également mobilisé en ce sens pour obtenir dans la négociation une forme de forfaitisation par patient récompensant le médecin traitant (tenue du volet de synthèse annuel). Faute de revalorisation du C en période de crise, le pragmatisme des syndicats a donc prévalu. Pourtant, à l’époque du CAPI imposé par la caisse en 2009, tous les syndicats et l’Ordre se rejoignaient pour critiquer ce nouvel outil. Aliénation de l’indépendance professionnelle, encadrement des prescriptions, conflit d’intérêt...: les arguments étaient bien rodés.
Le nouveau P4P négocié « n’a rien à voir avec le CAPI », jure Michel Chassang (CSMF) pour qui « il ne met pas en cause l’intérêt du patient » et repose sur des critères pertinents. De son côté, le patron du SML, Christian Jeambrun, ajoute que « les associations de patients n’y trouvent rien à redire, et qu’il a été adopté par 98 % des généralistes », même s’il serait plus exact de dire que 2 % des généralistes l’ont expressément refusé. L’un et l’autre répètent que les médecins ne peuvent espérer actuellement une revalorisation de leurs honoraires via la hausse des actes de base. Le P4P arrive donc opportunément pour donner un coup de pouce à leurs émoluments.
Chasseur de primes.
De son côté, l’Ordre campe sur ses positions. « Le P4P induit un conflit d’intérêt entre le médecin et son patient », assène Michel Legmann qui suggère que le médecin pourrait orienter sa prescription (molécule, examen) pour mieux toucher sa prime (jusqu’à 9 000 euros par an), désormais seul horizon de revalorisation. Quant à l’incitation à prescrire en génériques, il juge qu’il faut rester prudent car « la question de leur efficacité a été soulevée ».
Échaudés par ces critiques, la CSMF et SML ont envoyé à l’Ordre un...droit de réponse. Ils y développent leur vision d’un P4P respectueux de la liberté de prescription, négocié avec les syndicats et dénient à l’Ordre la compétence de le juger. À l’Ordre, on explique que « c’est conformément à la loi que le CNOM a émis un avis sur le projet conventionnel. C’est de son devoir et c’est la règle de la démocratie ».
Dans un communiqué titré « Réponse aux dictateurs en culotte courte », le Dr Jean-Paul Hamon (FMF) justifie à son tour son choix « de ne pas chanter les louanges de cette merveilleuse convention ». Il prend la défense du président de l’Ordre qui est « dans son rôle de garantie du respect et de l’éthique de notre profession en dénonçant le conflit d’intérêt que l’application de cette convention introduit ».
Regards croisés
Euthanasie : le modèle belge est-il la solution pour la fin de vie ?
La rédaction retient quelques dates pour vous…
À l’école
Bientôt un nouveau PAI pour allergie
40 % manquent de calcium
Le lait se tarit chez l'enfant