Le Généraliste : Le DPC a fait l’objet de critiques des représentants de la profession, certains y voyant une « étatisation » du dispositif. Les comprenez-vous ?
Pr Laurent Degos : Je vois très régulièrement les membres du futur collège de médecine générale qui travaillent actuellement sur le DPC. Ils sont très enthousiastes car pour eux le DPC est aussi un moyen de fédérer la profession au travers de l’amélioration des pratiques. Ils avaient été les pionniers de cette démarche qui mêle évaluation et formation dans une démarche qualité. Je trouve que les généralistes sont d’ailleurs en avance sur les autres spécialités. Rappelons aussi que représentants des patients et administrations sont toujours tentés d’évaluer les praticiens. Or la position que nous avons toujours défendue est de dire : ce sont aux praticiens de s’évaluer entre eux, entre pairs. C’est bien la preuve qu’il n’y a pas d’étatisation, au contraire. En outre, l’évaluation doit être réalisée de façon scientifique et sans influence, notamment de l’industrie. C’est une question de crédibilité.
Pourquoi l’évaluation prend-elle le pas sur la formation traditionnelle ?
Depuis que je suis arrivé à la HAS, j’essaye de faire en sorte qu’on aille dans le sens d’une amélioration continue des pratiques. Ce n’est pas en assistant simplement à une conférence qu’on devient meilleur. C’est au contraire dans sa pratique de tous les jours qu’on doit s’améliorer. Au départ, il existait une EPP ponctuelle. Nous avons voulu en faire une démarche permanente parce que chaque jour il faut faire mieux que la veille. Pour les patients, c’est tout ce qui compte.
Pour les médecins qu’est-ce qui va changer ?
Il ne s’agit plus d’une évaluation ponctuelle mais une évaluation formative. En revanche, elle ne sera ni normative ni sanctionnante. Il n’y a pas d’examen. Ce qui est important est d’entrer dans la démarche.
À quoi servent les collèges de bonnes pratiques ?
Il y a une centaine d’organismes agréés qui pratiquaient l’EPP. Nous avons demandé que des structures fédératives regroupent ces organismes agréés. Puis nous avons souhaité l’émergence de collèges de bonne pratique uniques pour chaque spécialité, en particulier pour la médecine générale. J’espère que le collège de médecine générale verra officiellement le jour en juin. Il s’est déjà totalement approprié la démarche puisqu’il demande à avoir sa propre méthodologie.
En quoi la méthodologie de l’évaluation de la médecine générale sera spécifique ?
Nous travaillons ensemble pour répondre aux besoins de la médecine générale qui est une médecine qui part principalement du symptôme. En chirurgie, on analyse les infections nosocomiales, les complications post-opératoires ou les indications. Pour la médecine générale, on s’intéressera plutôt aux délais de diagnostic ou résultats de morbidités. À la HAS, nous avons déjà des méthodologies validées, mais nous voulons aussi valoriser ce qui existe déjà et qui vient du terrain. Nous sommes simplement là pour aider les praticiens à mettre en place des méthodologies et à évaluer les processus. Donc rien n’est figé a priori.
Ce changement de cap ne sera-t-il pas plus difficile pour les petites associations de FMC ?
Non, ce qu’elles faisaient déjà sera valorisé. Que faisaient les petites associations ? Des praticiens d’un secteur se réunissaient, discutaient des cas rencontrés dans leur pratique, voyaient s’il y avait une diversité des réponses et cherchaient à s’améliorer. C’est tout ce qu’on demande. Les outils existent, les structures existent, les organismes agréés existent. Le DPC ne fait qu’officialiser une démarche qualité.
Mais qui ne concernait pas encore toute la profession…
C’est une démarche collective. En même temps, il est certain que le processus de développement professionnel et son contrôle est individuel. Je pense que la profession doit admettre qu’il faut mettre en comparaison sa pratique avec celle des autres pour pouvoir s’améliorer. Peut-être qu’au début, on peut avoir un peu peur de se lancer. Mais on se rend vite compte que c’est une démarche gratifiante. Certains voudraient payer à la performance les meilleurs. Mais ce qui nous intéresse c’est d’améliorer les pratiques de l’ensemble de la profession.
Quels seront les thèmes prioritaires ?
Cela ne dépend pas de la HAS. C’est au collège d’en discuter. Là encore, on voit qu’il est important d’avoir un collège de médecine générale qui fédère tout le monde pour que la profession puisse peser dans les décisions : les thèmes prioritaires, mais aussi les financements comme la manière dont vont se mettre en place les contrats individuels (les contrats passés avec ARS et Caisses devraient être validant pour le DPC, Ndlr).
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