LA RÉPONSE européenne à la crise a-t-elle été la bonne ? Le différend qui, la semaine dernière, a opposé la France à l'Allemagne sur la marche à suivre a peut-être contribué à démoraliser les acteurs des marchés. La chancelière Angela Merkel n'avait pas plus tôt dit que chaque pays devait faire le ménage chez lui et qu'une réponse de l'Union européenne n'était pas appropriée qu'elle se trouvait confrontée à l'énorme faillite d'Hypo Real Estate, une banque allemande de financement de l'immobilier. Le gouvernement allemand a travaillé d'arrache-pied pendant le week-end et a réuni une première somme de 30 milliards d'euros pour empêcher la banqueroute d'Hypo Real Estate. Mais, selon les personnalités averties de l'ampleur des problèmes de cette banque, la facture pourrait s'élever à 100 milliards d'ici à la fin de 2009.
Les bourses n'y croient plus.
Or, avant Hypo, il y a eu Fortis en Belgique (rachetée pour 15 milliards par BNP-Paribas), Dexia en France, Unicredit en Italie, pendant que, aux États-Unis, Wells Fargo rachetait Wachovia pour 15 milliards de dollars et que d'autres défaillances étaient signalées ailleurs en Europe. Il ne faut pas être expert pour se demander pendant combien de temps encore il sera possible de racheter ou de sauver des banques qui, l'une après l'autre, tombent dans le gouffre de la crise, et où les gouvernements, ou les entreprises sollicitées pour des rachats, vont trouver les sommes colossales encore nécessaires aux sauvetages.
QUE LA REPONSE SOIT EUROPEENNE OU NON, ELLE DEVRA ETRE COLOSSALE
Comme, dans le même temps, le climat financier général est très lourd, la panique se poursuit sur les marchés. Non seulement le plan de 700 milliards de dollars, finalement adopté vendredi dernier par le Congrès des États-Unis, n'a eu aucun effet positif sur les cours (le Dow Jones a chuté de 1,5 %), mais les bourses asiatiques et européennes ont dévissé lundi. Toujours aux États-Unis, la banque fédérale des réserves (Fed) a décidé lundi d'apporter en garantie une nouvelle somme de 300 milliards de dollars. Malgré ce nouveau geste, la Bourse de New York ouvrait en net repli. La baisse est telle que quelques milliers de milliards de dollars se sont évaporés depuis la fin de l'été aux États-Unis, en Europe, en Asie et en Russie, où les marchés ont été fermés une fois de plus avant-hier.
Cette incalculable déperdition d'argent réduit davantage encore les capacités des institutions saines à racheter celles qui sont menacées par la faillite. On n'a pas vraiment le sentiment que les gouvernements contrôlent la situation et, dans ce climat épouvantable, les propos rassurants des dirigeants ne sont pas convaincants.
Le gouvernement allemand, par exemple, a affirmé la semaine dernière qu'il se portait garant de tous les dépôts bancaires. Ils sont estimés à 1 600 milliards d'euros. On ne voit pas de quelle manière Berlin pourrait aligner une telle somme ; certes, la faillite d'une ou deux banques n'est pas celle de toutes les institutions ; Mme Merkel entend se battre au cas pas cas. De la même façon, lorsque Nicolas Sarkozy, avant Mme Merkel, avait donné des assurances aux épargnants français, il ne s'agissait, dans son esprit, que de voler au secours d'un nombre réduit d'institutions.
Cependant, la gravité de la crise vient de ce qu'elle évolue très vite et que le langage de la semaine dernière doit être déjà modifié : les réponses américaine et européenne à la crise financière sont décrites par les experts les plus divers comme bonnes et, en tout cas, indispensables. Il n'empêche que l'impact des mesures adoptées a été nul : la confiance n'est pas revenue, elle disparaît. Américains et Européens sont logés à la même enseigne. M. Sarkozy peut certes reprocher à l'Allemagne d'avoir refusé un plan immédiat et puissant de l'Union européenne, Mme Merkel peut rétorquer que celui de M. Bush, pourtant très coûteux, n'a pas rétabli la confiance aux États-Unis.
L'éthique s'est vengée.
Cette discussion sur les voies et les moyens du retour au calme devient oiseuse : si l'Allemagne a besoin de 100 milliards pour renflouer Hypo Real Estate, n'est-ce pas la confirmation qu'il faut rassembler des sommes énormes, donc à l'échelle continentale, pour faire face à la crise ?
Et même si l'UE n'existait pas, les banques ne seraient-elles pas forcées de s'adresser à leurs homologues européennes pour trouver de l'argent ? Reçu samedi dernier à l'Élysée (avant le minisommet européen France, Allemagne, Royaume-Uni et Italie), Dominique Strauss-Kahn, directeur du Fonds monétaire international, a estimé lui aussi qu'une réponse collective de l'Europe était préférable, d'autant, a-t-il précisé, que les pertes des banques ont été, dans un premier temps, sous-estimées.
La dimension de la crise donne la mesure de l'imprudence des banques menacées de disparaître. On ne dispose pas encore du bilan exact de ce cyclone financier, mais on sait au moins que, sur les décombres qu'il laissera, il faudra rebâtir un système plus sain et contrôlé par les États. Les banquiers et les spéculateurs se sont moqués de l'éthique. Sa vengeance a été implacable.
PS – Une (impardonnable) étourderie nous a fait écrire lundi que le gouvernement avait racheté pour 30 milLiards de projets de logements sociaux. Il fallait lire 30 000 projets de logements sociaux ; selon Christine Boutin, ministre du Logement, l'intervention de l'État dans ce rachat s'élèvera à 1,5 milliard d'euros. Nos lecteurs voudront bien nous excuser de cette erreur.
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