MARIE BERRY n'a pas eu une enfance comme tout le monde. Petite fille, elle ne pouvait grimper aux arbres, ni faire la course avec ses petits camarades. La fillette, atteinte à l'âge de 4 ans d'une maladie génétique, le syndrome d'Alport, grandit avec des problèmes d'audition et de fonctionnement des reins. Pour aller plus vite, son frère Richard, déjà à l'époque, la portait sur son dos. A 18 ans cependant, Marie trouve un nouveau souffle : sa mère lui offre un rein qui lui permettra de vivre normalement, pendant 34 ans. Une réussite sur le plan médical. Et pourtant, en 2003, le cauchemar recommence. C'est le rejet. Il faut trouver un nouveau donneur. Seul son frère, Richard, est compatible.
Un message qui s'adresse à tous.
« Là, je vais partager ma gourde », annonce Richard Berry au début de « Chronique d'une greffe annoncée » en faisant référence à « un mythe biblique, musulman ou juif, peu importe », dit l'acteur qui rappelle combien il est important pour ceux qui en ont la possibilité d'aider les plus faibles. Un message qui s'adresse à tous, afin de sensibiliser la société au don d'organe. Une façon sans doute de transformer une expérience personnelle en discours universel. Cette mission, il l'accepte sans hésiter. « Je savais qu'un jour je devrais faire quelque chose pour ma sœur. J'ai eu le temps de me préparer à cette opération. C'était une nécessité pour moi de ne plus la voir souffrir », confie-t-il.
La souffrance, Richard la découvre au cours des nombreuses visites en milieu hospitalier qu'il rend à sa sœur, chez tous ceux qui sont atteints de maladie rénale.
Une souffrance silencieuse qu'il décide de mettre en images. « Je me suis dit qu'il y avait quelque chose à faire et j'ai pensé que notre histoire pouvait avoir valeur d'exemple, être l'élément déclenchant d'une actualité et attirer l'attention sur le problème du don d'organe en France », explique le réalisateur.
Il propose alors à Minou Azoulai de réaliser un film qui suivrait pas à pas les étapes précédents cette épreuve. Un an de peurs, d'interrogations, de remises en questions. Une année au cours de laquelle toute une famille s'unit face à la maladie.
« Lorsque j'ai appris que j'allais perdre mon rein, j'étais désespérée. Je savais quel calvaire j'allais connaître de nouveau et imposer à ma famille. Au même moment, on m'annonçait que j'avais un cancer du sein. J'ai bien cru à cette époque que j'allais mourir. Heureusement que j'ai trouvé le soutien nécessaire autour de moi. Sans quoi, je ne sais comment j'aurais pu surmonter cette épreuve », confie la rescapée.
Marie explique en effet au cours du film comment il est difficile de vivre avec un statut de victime, comment le regard des autres peut être méprisant vis-à-vis des malades. Comment son entourage l'admire pour son courage, alors qu'elle avoue être la personne la moins courageuse au monde. « J'y vais, c'est tout », admet-elle. Tout comme son frère, qui refuse le compte à rebours. « Je n'ai aucune angoisse. Le Dr Legendre nous a certifié que nous avions très peu de chance d'avoir un rejet. Ce premier entretien m'a rassuré. »
C'est un Richard Berry vaillant, mais silencieux que l'on perçoit dans « Chronique d'une greffe annoncée ». La gravité se lit sur son visage. Il a bien conscience « qu'il s'agit là d'une étape. Mais, ajoute-t-il, la mort aussi est une étape ». Pudiques, Richard et Marie évitent le sujet. On note bien quelques échanges de regards complices, mais jamais l'opération n'est vraiment abordée. « La greffe, on n'en parle pas. C'est sans doute pour nous une façon de nous protéger, de rester dans notre univers. Je me recharge dans ma solitude », avoue Marie. Le jour J, l'angoisse se fait sentir dans la famille. L'intervention dure toute une journée. Opération réussie. « Je ne lui ai pas sauvé la vie. Je l'ai aidée à mieux vivre », conclura Richard.
Un démarche pour sensibiliser.
Le film, qui sera diffusé le jeudi 24 novembre à 22 h 55 sur France 2, a été présenté en avant-première au ministère de la Santé et des Solidarités. Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a tenu à féliciter et à encourager la démarche des frère et sœur Berry pour sensibiliser les gens sur le don d'organe en France. Il a rappelé qu'un tiers des patients français en attente de greffe étaient effectivement greffés. Avec des délais avoisinant parfois les quinze mois pour des greffes de rein. Deux cent cinquante personnes en attente de greffe meurent chaque année. Il n'y a que 164 donneurs vivants par an en France. Le ministre de la Santé s'est engagé à faire évoluer de 15 % par an le nombre de greffes en France, en précisant qu'il fallait changer de regard sur les greffes en communicant davantage auprès du grand public sur le sujet. « Il faut vaincre les réticences et les résistances des familles de greffés », a-t-il précisé.
Le débat a donné lieu à des échanges entre partisans de la greffe à partir de donneurs vivants et ceux pour la greffe à partir de donneurs décédés. Faut-il encourager le don d'organe des vivants ? Pas sûr, répondent les uns. D'autres craignent d'encourager par la même occasion des dérives, comme le trafic d'organes. Tous sont cependant d'accord pour inciter les jeunes à posséder une carte de donneur : « Un acte civique que tout le monde devrait défendre », a ajouté Richard Berry.
* « Le Don de soi », de Marie Berry, aux éditions Michel Lafon, 18,50 euros.
Informations : Association pour l'information et la recherche sur les maladies rénales génétiques (Airg) dont Richard Berry est le parrain : www.Airg-France.org
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