Même si la physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde n'est pas encore très bien connue, on évoque de plus en plus la conjonction d'un terrain génétique particulier et de facteurs environnementaux à l'origine de réactions dysimmunitaires et inflammatoires aboutissant à l'inflammation synoviale et à la destruction des articulations.
Les immunomodulateurs
En dépit des nombreux progrès thérapeutiques médicamenteux observés ces dernières années avec l'arrivée des agents modulant le TNF-alpha, comme l'infliximab ou l'étanercept, et les autres immunomodulateurs, tels que le léflunomide, qui améliorent significativement la prise en charge de ces malades, les efforts ne se sont pas relâchés et il persiste en France, comme le souligne le Pr Thomas Bardin, « une recherche très active concernant la polyarthrite rhumatoïde axée sur la génétique, les facteurs environnementaux , l'immunologie et la thérapie génique ».
Un certain nombre d'équipes, dont celles de Jean Roudier à Marseille, d'Aleth Perdriger à Rennes, de Daniel Wendling (Besançon), ainsi que l'équipe de Montpellier, travaillent sur la région HLA ; leurs travaux portent sur les mécanismes de l'association DR-maladie et sur les autres molécules à proximité de DR tels que le gène du TNF alpha (Tumor necrosis factor), des molécules DM (molécules à proximité du HLA qui ont un impact sur « l'aprêtement » des antigènes présentés par les molécules HLA de classe II.)
Le laboratoire de François Cornélis (Génopole) travaille sur la prédisposition génétique de la PR. Ce laboratoire s'attache notamment à identifier les gènes, en dehors du système HLA, qui interviennent dans cette polygénique. Deux approches sont utilisées : soit une approche de screening du génome (étude systématique du génome), soit une approche gène-candidat.
Les recherches épidémiologiques de la SFR
« Dans la polyarthrite rhumatoïde, il faut aussi parler des facteurs infectieux, ajoute le Pr Bardin, et notamment du rôle du mycoplasme dans l'apparition des rhumatismes inflammatoires et plus particulièrement dans la polyarthrite rhumatoïde. »
Ces travaux sont menés par l'équipe de Thierry Shaverbeke (Bordeaux). Quant à la recherche épidémiologique réalisée par la section épidémiologie de la Société française de rhumatologie (SFR) , elle cherche à définir la prévalence exacte et la gravité de la maladie dans l'Hexagone.
Enfin, un certains nombre d'équipes travaillent sur les cytokines avec des travaux très intéressants sur les cytokines anti-inflammatoires. « L'équipe de Pierre Miossec à Lyon est en pointe dans ce domaine, affirme le Pr Thomas Bardin. Deux cytokines paraissent particulièrement intéressantes: l'IL1 et IL4, dont on pense que l'insuffisance d'expression au cours de la polyarthrite rhumatoïde est néfaste. On cherche à savoir si l'administration de telles molécules amélioreraient l'évolutivité de la maladie. »
En matière de thérapie génique, la France participe à l'effort mondial dans le domaine de la polyarthrite rhumatoïde. Deux groupes de travail à Montpellier (Christian Jorgensen) et à Avicenne (Marie-Christophe Boissier) mènent, à ce jour, des études expérimentales de faisabilité de transfert de certains gènes sur des modèles animaux. De nombreuses molécules sont candidates à une thérapeutique génique, telles que les interleukines IL4, IL10, Il1Ra.
« Outre la participation très active de bon nombre de rhumatologues dans des protocoles de l'industrie pharmaceutique, on peut dire, ajoute le spécialiste, que les greffes de moelle dans la PR sévère et dans d'autres connectivites donnent des résultats préliminaires encourageants permettant d'explorer les possibilités de prise en charge de pathologies rhumatologiques extrêmement graves et rebelles. »
En ce qui concerne les spondylarthropathies, une recherche très active est menée d'une part sur la génétique du rhumatisme psoriasique au sein de la SFR, et, d'autre part, sur celle de l'ensemble des spondylarthropathies. « Par ailleurs, explique le Pr Thomas Bardin, l'identification des facteurs infectieux impliqués dans les arthrites réactionnelles intéressent de nombreux chercheurs, dont Jean Sibilia à Strasbourg ».
- Les rhumatologues français participent dans ce domaine à l'essai d'EULAR sur le traitement par azithromycine (Zithromax) de ces arthrites. Les résultats sont en cours d'analyse et seront disponibles à la fin de l'été.
Investigations du métabolisme chondrocytaire
- Les investigations dans le domaine de l'arthrose sont moins spectaculaires, mais néanmoins très intenses. Ainsi, la recherche clinique et épidémiologique cherche à déterminer les facteurs de risque d'aggravation et de sévérité de ce rhumatisme. Les équipes de Maxime Dougados, de Michel Lequesne et d'Eric Vignon travaillent sur la mesure de l'interligne articulaire permettant d'obtenir dans des enquêtes longitudinales l'évolution radiologique de l'arthrose ; « ce suivi radiologique fournit à l'industrie pharmaceutique le moyen de tester les propriétés chondroprotectrices d'un certain nombre de médicaments », souligne le Pr Bardin. Les recherches portent aussi sur les marqueurs biologiques de l'évolution. Des travaux menés sur le dosage de la CRP, de la COMP et de l'acide hyaluronique ont montré que les variations des taux de ces marqueurs reflétaient assez bien l'évolutivité de l'arthrose des membres inférieurs.
Quelques équipes, dont celles de Maïté Corvol (Paris) et du Pr Pujol (Caen), de Patrick Netter (Nancy), travaillent sur le métabolisme chondrocytaire et sur les modèles animaux d'arthrose.
Lombalgie et réentraînement>BR>
- En ce qui concerne la pathologie rachidienne, la biologie du disque intervertébral intéresse des équipes comme celles de Maïté Corvol et celle de Michel Revel à Cochin. L'épidémiologie des lombalgies, les méthodes de traitement, notamment physique et d'entraînement à l'effort, font l'objet d'évaluations, par exemple au sein de la section rachis de la SFR. « L'entraînement à l'effort consiste en un programme de rééducation assez lourd souvent mené en hôpital de jour, explique le rhumatologue. Il s'agit de convaincre le patient lombalgique chronique, malgré la douleur, de réaliser des efforts physiques. C'est un reconditionnement qui vise à favoriser la réinsertion sociale et professionnelle. Trente pour cent des patients y parviennent. »
- La recherche sur l'imagerie du rachis et des articulations périphériques est très active. Les progrès de l'imagerie ont permis de réaliser des avancées importantes. « C'est un complément quotidien de l'examen physique, affirme le Pr Bardin. Le PET-Scan ouvre l'opportunité de nombreuses investigations dans les maladies malignes osseuses et les vascularites. »
Intérêt de protocoles thérapeutiques non pharmacologiques
Indépendamment de l'industrie pharmaceutique, des investigateurs essaient de valider un certain nombre de protocoles thérapeutiques évaluant l'intérêt de traitements non pharmacologiques comme la perte de poids, l'exercice physique et le port de semelles valgisantes dans la gonarthrose fémorotibiale interne, ou encore les effets du lavage articulaire dans l'arthrose.
- « Dans le domaine osseux, indique le spécialiste, des études épidémiologiques sont en cours : l'ostéoporose et la fracture du col du fémur, au travers par exemple des études EPIDOS et PICAROS. Ces cohortes de suivi permettent de mieux appréhender les facteurs de risque de ces deux affections.
Les marqueurs du turn-over osseux
Certaines équipes, telles que celles d'Orléans et d'Angers, s'intéressent à l'architecture osseuse, qui joue un rôle très important dans le déterminisme des fractures, en plus de la densité osseuse. L'équipe du professeur Alexandre à Saint-Etienne est à la pointe des recherches mondiales sur l'effet des contraintes sur la biologie cellulaire osseuse et sur les modifications osseuses induites par la pesanteur. Le Pr Delmas, à Lyon, travaille aussi sur les marqueurs du turn-over osseux. Une recherche sur la biologie cellulaire osseuse et sur le rôle des facteurs locaux tels que les cytokines dans le processus ostéoporotique est aussi menée, en particulier à l'hôpital Lariboisière à Paris. »
Dans le domaine des ostéopathies malignes, le mécanisme des métastases osseuses est actuellement intensivement étudié par plusieurs équipes. Le rôle de la PTH-RP, par exemple dans le déterminisme du potentiel de dissémination osseuse du cancer du sein, est l'objet d'un certain nombre de travaux. Les rhumatologues participent, aux côtés des hématologues, aux recherches sur les mécanismes de l'ostéolyse dans le myélome et s'impliquent dans les protocoles thérapeutiques (greffes de moelle, évaluation de la thalidomide...), affirme le Pr Bardin.
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