16° Congrès français de Rhumathologie (SFR) CNIT - Paris-la Défense 17-19 novembre 2003

Rhumatisme inflammatoire chronique : quels autoanticorps demander et quand ?

Publié le 16/11/2003
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On sait maintenant que plus le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde est effectué précocement, et plus tôt est institué un traitement, moins les dégâts ostéoarticulaires seront importants à terme. Si, auparavant, il était surtout prôné de différencier la polyarthrite rhumatoïde des autres rhumatismes inflammatoires avant d'envisager un traitement spécifique, l'optique est actuellement bien différente, car on dispose de thérapeutiques immunologiques capables d'arrêter totalement, ou de freiner considérablement, la maladie rhumatoïde. L'attitude admise aujourd'hui est donc de considérer tout rhumatisme inflammatoire évoluant depuis au moins six semaines comme potentiellement destructeur et donc d'instituer un traitement de fond, quitte à l'arrêter quelques mois plus tard si le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde est en fait rejeté.
En pratique, comment faire le diagnostic biologique de polyarthrite rhumatoïde, en présence d'un rhumatisme inflammatoire chronique débutant ?
En premier lieu, il faut rechercher :
- les facteurs rhumatoïdes par la réaction de Waller-Rose et le test au latex ;
- les anticorps antifillagrine, par immunofluorescence, ou bien les anti-CCP (peptide cyclique citrulliné) par méthode Elisa, ce dernier test ayant une sensibilité supérieure, de 70 à 80 %, du même ordre que celle du facteur rhumatoïde qui est d'environ 75 %.
L'intérêt de faire ces deux dosages simultanément est d'accroître la sensibilité diagnostique puisque, les champs des tests ne se recouvrant pas forcément, il est possible d'obtenir un résultat dissocié. La spécificité de ces marqueurs est en revanche différente. En effet, le facteur rhumatoïde n'est pas spécifique de la polyarthrite rhumatoïde (il est notamment présent dans la moitié des syndromes de Sjögren et des cryoglobulinémies) alors que les anticorps antifillagrine sont dotés d'une excellente spécificité (98 %), rendant un autre diagnostic fortement improbable. Enfin, lorsque ces anticorps sont présents, qu'il s'agisse du facteur rhumatoïde ou surtout des anti-CCP, ils le sont très précocement, souvent plusieurs années avant l'apparition des signes cliniques objectifs. A contrario, leur apparition ultérieure est exceptionnelle et les 15 à 20 % de polyarthrites rhumatoïdes ne comportant initialement aucun marqueur immunologique ne se positiveront quasiment jamais : il apparaît donc inutile de répéter leur dosage, d'autant que l'automatisation permet d'assurer la fiabilité du résultat, quel que soit le laboratoire.
Cette première étape diagnostique doit aussi comporter la recherche d'anticorps antinucléaires afin de dépister une connectivite débutante. En cas de taux significativement élevés (c'est-à-dire au moins au-delà du 1/320), la caractérisation de ces anticorps constituera une démarche ultérieure, en sachant que si la spécificité des autoanticorps (xanti-ADN et anticorps anti-antigènes nucléaires solubles) est assez grande, leur sensibilité est en revanche faible (voir tableau).
C'est lors de cette deuxième étape diagnostique, voire encore plus tard, que la recherche d'anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) a sa place, permettant d'individualiser une vascularite dont on sait qu'elle peut tout à fait simuler un rhumatisme inflammatoire débutant. Une maladie de Wegener peut en effet s'accompagner d'ANCA de type classique (anti-PR3 en Elisa) et de facteur rhumatoïde ou une périartérite noueuse microscopique d'ANCA de type périphérique (antimyéloperoxidase ou MPO en Elisa).
Là s'arrête la recherche d'autoanticorps. Notamment, il est inutile de prescrire un dosage d'anticorps antiphospholipides en première intention puisque soit leur présence est associée à un lupus et le dosage des anticorps antinucléaires suffit alors, soit il s'agit d'un syndrome primaire des antiphospholipides qui ne se manifeste jamais cliniquement par un rhumatisme inflammatoire chronique.
Au total, le diagnostic sérologique d'un rhumatisme inflammatoire chronique apparaît aujourd'hui bien codifié, permettant une individualisation assez rapide des pathologies. Toute hésitation initiale ne saurait cependant différer la mise en place d'un traitement de fond dont la précocité est essentielle au maintien de l'intégrité ostéoarticulaire.

D'après un entretien avec le Pr Olivier Meyer.


Anticorps antinucléaires et connectivites : signification et sensibilité

Anticorps antinucléaires Connectivite Sensibilité
• Anti-ADN Lupus 60 %
• Anticorps anti-antigènes nucléaires solubles    
– anti-Sm Lupus 5-10 %
– anti-RNP Lupus
Connectivite mixte
30 %
100 %
– anti-SSA Lupus
Syndrome de Sjögren
30 %
50 %
– anti-SSB Syndrome de Sjögren 50 %
– anti-Scl70 Sclérodermie 20 %
– anti-JO1 Polymyosite 20 %
Dr Patricia THELLIEZ

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7426