L'heure n'est pas encore au déconventionnement massif en région lyonnaise : la sédition des spécialistes se traduit surtout par la pratique du DE. Mais le passage à l'offensive pourrait être déclenché par la Co-MSRL, la coordinnation des médecins spécialistes de la région lyonnaise, qui organise demain 21 mai, une réunion à 20 h 30 au Centre international de séjour de Lyon dans le 8e.
« Je ne suis pas une ultralibérale. Or la caisse veut faire croire qu'on est tous des méchants qui veulent tout détruire. Et cela me fait bouillir encore plus. »
Martine Pitiot, gynécologue-obstétricienne dans le 8e arrondissement de Lyon, n'a plus envie de contenir sa colère. Elle fait partie des médecins qui ont créé la Co-MSRL en 2002, une association qui revendique aujourd'hui 180 adhérents. Et elle se dit consternée : « Je me suis installée en 1989, avant la fermeture du secteur II. Si j'ai fait le choix d'une médecine conventionnée, c'est justement pour permettre à mes patients d'accéder aux soins sans ségrégation pécuniaire. » En quinze ans, cette spécialiste affirme qu'elle a personnellement beaucoup investi en temps, en formation, en matériel et en qualité. Or « mes frais ont considérablement augmenté », plaide le Dr Pitiot ; « avec une consultation bloquée à 23 euros, je ne vois pas comment je peux continuer à tourner et travailler correctement ».
Elle se sent donc aujourd'hui acculée : « Si je ne prends pas des honoraires corrects, je ferme mon cabinet. »
Comme le prône la coordination lyonnaise, elle pratique donc « largement » le DE. A l'instar d'une centaine de ses confrères et consurs, sur les 700 installés en secteur I. Une attitude qualifiée de « minoritaire » par Gérard Ropert, directeur général de la caisse primaire centrale d'assurance-maladie (CPCAM) de Lyon, qui a toutefois récemment dû rappeler à l'ordre 15 spécialistes dont 9 gynécologues-obstétriciens. « Nous avons reçu des lettres recommandées avec menace de déconventionnement ou de sanctions financières », confirme le Dr Pitiot. Et d'en fournir l'analyse suivante : « M. Ropert qui refuse de dialoguer avec nous, fait probablement partie, comme M. Frémont, des gens qui veulent faire des exemples. » Le conseil d'administration de la caisse lyonnaise, qui s'est réuni le 24 avril dernier, s'est déclaré « choqué que quelques médecins se mettent délibérément hors la loi en pratiquant des dépassements d'honoraires ». A l'unanimité, les membres du conseil ont donc demandé à la direction de la caisse d'être ferme sur l'application du tarif conventionnel. Pour sortir du conflit, Gérard Ropert estime que les syndicats doivent retourner à la table des négociations, « même si je doute qu'ils puissent retrouver les conditions qui leur ont été offertes », précise-t-il. Les syndicats auraient-ils donc brûlé leurs vaisseaux ?
Si les gynécologues-obstétriciens de Lyon se présentent en chefs de file dans cette fronde, ils ont été rapidement rejoints par les ophtalmologues qui, à la mi-mai, recueillaient activement les intentions de déconventionnement auprès de leurs confrères libéraux, mais aussi par les dermatologues et les psychiatres.
Du côté des syndicats, « la CSMF-69 n'a donné aucun mot d'ordre de déconventionnement », rappelle sa présidente, généraliste à Thurins, Danielle Atayi. En revanche, la section du Rhône incite à appliquer largement le DE. « Nous essayons d'entreprendre des actions humainement réalisables », nuance le Dr Atayi ; « chacun sait que le déconventionnement est insupportable pour les médecins comme pour les patients ». En revanche, « si les caisses jugent que les dépassements exceptionnels sont excessifs, nous soutiendrons les médecins inquiétés et, s'il le faut, nous irons manifester ».
Le son de cloche est beaucoup plus grave du côté de MG-69. Son président, le Dr Pascal Dureau, généraliste à Vénissieux, entrevoit l'avenir sous un angle plutôt cataclysmique : « Nous avons l'impression de repartir dans un débat qui a déjà eu lieu, sur la médecine libérale et le rôle de strict assureur de l'assurance-maladie. » Une régression historique en quelque sorte. La position de MG-69 n'ayant pas été validée par le bureau, le Dr Dureau indique toutefois, en son nom propre, déplorer la situation actuelle : « Le médecin ne peut pas s'arrêter aux seules données économiques de la gestion de son entreprise, il fait partie de la société. » Et il conclut : « Comme ces deux visions s'opposent, il doit négocier et s'accorder. »
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