En 2001, les revenus professionnels nets moyens de certains chirurgiens libéraux de secteur I étaient équivalents à ceux de leurs confrères généralistes du même secteur (voir tableau ci-contre). Ce constat paradoxal peut être fait à partir des statistiques publiées par la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), qui est chargée de calculer les cotisations de retraite des médecins libéraux sur la base de leurs avis d'imposition.
Avec ces nouvelles statistiques, la caisse dispose des « vrais revenus nets de chacun, spécialité par spécialité », souligne le Dr Gérard Maudrux, président de la CARMF, dans une lettre adressée au ministre des Affaires sociales, François Fillon, et au ministre de la Santé, Jean-François Mattei. Ce chirurgien de secteur II, partisan de la réouverture du secteur à honoraires libres (comme de nombreux médecins spécialistes des coordinations) écrit à la tutelle « qu'ayant eu connaissance de ces chiffres et des prévisions qu'ils permettent le dernier Règlement conventionnel minimal aurait été différent ».
« La chirurgie a été complètement oubliée », renchérit le Dr Xavier Gouyou-Beauchamps, porte-parole du groupe Cochise (COllectif des CHIrurgiens de SEcteur I, affichant 380 adhérents). Or, depuis l'année 2001, rappelle-t-il, « les médecins généralistes ont bénéficié de l'augmentation du C à 20 euros alors que les chirurgiens, malgré leurs sept ans de formation en plus, n'ont rien eu du tout (dans le RCM) et payent des primes d'assurance plus élevées ». Raison de plus, selon les chirurgiens du groupe Cochise, de « prendre de fait le secteur II qu'on (leur) refuse », grâce aux dépassements d'honoraires.
Concernant les médecins généralistes, le Dr Maudrux relève que le BNC (bénéfice non commercial) moyen en secteur I (55 784 euros) est légèrement supérieur à celui du secteur II (54 026 euros). Il y voit « la preuve » qu'en prescrivant moins et en faisant moins d'actes « les secteur II ne gagnent pas plus et coûtent moins à la collectivité ».
Le caractère « non inflationniste » du secteur II, au regard des chiffres de la CARMF, est d'ailleurs « le point crucial » que retient le Dr Jean Leid, à la fois porte-parole de la Coordination nationale des spécialistes et secrétaire général de l'Association pour l'ouverture du secteur II (APOS2, qui revendique maintenant 2 058 membres et soutient 1 258 procès contre les caisses d'assurance-maladie).
Pour le président de l'UMESPE-CSMF, les chiffres de la CARMF démontrent au contraire que « le secteur II n'est pas la panacée » et justifient donc a posteriori les mots d'ordre de sa confédération. Le Dr Rey explique que les spécialités plus rémunératrices en secteur I qu'en secteur II (biologie, néphrologie, pneumologie...) correspondent parfois à des patients spécifiques, souvent en affection de longue durée (ALD, pris en charge à 100 %).
En tout cas, le Dr Jean Leid considère que l'heure de vérité a sonné pour l'ensemble des spécialistes du secteur I soumis aux tarifs opposables. « Les chiffres de la CARMF sont finalement les seuls fiables, déclare le Dr Leid. Ceux de la CNAM retiennent les revenus bruts des médecins (hors charges et investissements) , c'est-à-dire le chiffre d'affaires au lieu du bénéfice net. En plus, la CNAM fait volontairement l'amalgame entre les médecins des secteurs I et II, alors que leur situation est tout à fait différente. »
En outre, le Dr Gouyou-Beauchamps fait valoir que les revenus nets des médecins du secteur II ont tendance à être tirés vers le haut par « les nombreux praticiens des grandes villes qui appliquent des dépassements d'honoraires plus importants ».
Selon les statistiques fournies par la CARMF, les spécialistes en honoraires libres ont des revenus nets supérieurs de 20 % en moyenne à ceux de leurs confrères du secteur I. Mais ce taux varie, selon les spécialités, de 30 %-35 % environ (anesthésie-réanimation, chirurgie urologique, endocrinologie), à 43 % en ophtalmologie, voire 50-60 % (gynécologie médicale et obstétrique). Notons que ce taux dépasse 60 % pour les anatomocytopathologistes, la chirurgie viscérale, digestive, générale et orthopédique, et la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (87 %). La cardiologie, elle, ne fait pas le grand écart entre secteurs I et II car « les cotations permettent aux médecins de la spécialité de gagner leur vie, si bien qu'ils n'ont aucune raison d'encombrer les rangs des coordinations », note le Dr Leid.
Il reste que les statistiques de la CARMF sont imparfaites. Le Dr Maudrux en convient d'ailleurs dans sa lettre aux ministres. Il estime en effet que « ces chiffres peuvent et doivent être améliorés en collaboration avec la CNAMTS [Caisse nationale d'assurance-maladie] et l'Ordre des médecins pour mieux définir les différentes spécialités ». Les BNC portent sur un effectif de 106 677 médecins libéraux, certes plus large que celui couvert par les associations de gestion agréées (AGA), mais incomplet en raison des déclarations de revenus tardives (93 % des médecins libéraux recensés par la CNAM en 2002). Enfin, le calcul du revenu net moyen par spécialité est effectué sur l'effectif disponible sans tenir compte des exercices à temps partiel.
Bénéfice non commercial par spécialité en 2001 Statistiques établies sur un effectif de 106 677 médecins |
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Secteur I | Secteur II | |
Médecine générale | 55 784 | 54 026 |
Moyenne des spécialistes | 72 012 | 86 538 |
Anatomie et cytologie pathologiques | 79 613 | 131 480 |
Anesthésie-réanimation | 98 846 | 133 872 |
Chirurgie viscérale et digestive | 56 103 | 92 881 |
Chirurgie générale | 65 071 | 112 090 |
Chirurgie infantile | 25 917 | 31 987 |
Chirurgie maxillo-faciale | 81 251 | |
Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie | 90 594 | 87 534 |
Chirurgie orthopédique traumatologie | 69 281 | 116 084 |
Chirurgie plastique reconstructive et esthétique | 86 901 | 117 780 |
Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire | 55 354 | 84 579 |
Chirurgie urologique | 79 389 | 104 714 |
Chirurgie vasculaire | 77 171 | 84 612 |
Dermatologie vénérologie | 53 936 | 67 091 |
Endocrinologie et métabolisme | 35 570 | 46 477 |
Gastro-entérologie hépatologie | 68 008 | 80 336 |
Génétique médicale | 14 515 | 85 359 |
Gynécologie médicale | 38 044 | 58 561 |
Gynécologie obstétrique | 50 873 | 80 304 |
Hématologie | 22 943 | 63 103 |
Médecin biologiste | 65 361 | 44 602 |
Médecine interne | 51 082 | 55 935 |
Médecine nucléaire | 132 876 | 290 906 |
Médecine physique et de réadaptation | 52 613 | 76 508 |
Néphrologie | 82 564 | 39 352 |
Neurochirurgie | 49 847 | 96 856 |
Neuropsychiatrie | 47 888 | 50 194 |
Neurologie | 55 211 | 73 166 |
Obstétrique | 60 205 | 87 604 |
Oncologie médicale | 70 023 | 74 203 |
Oncologie radiothérapique | 120 724 | 86 330 |
Ophtalmologie | 75 803 | 108 482 |
Oto-rhino-laryngologie | 64 294 | 77 097 |
Pathologie cardio-vasculaire | 85 082 | 90 275 |
Pédiatrie | 47 497 | 52 711 |
Pneumologie | 57 314 | 51 622 |
Psychiatrie de lenfant et de ladolescent | 28 758 | 53 997 |
Psychiatrie générale | 52 519 | 58 481 |
Radiologie imagerie | 113 868 | 121 075 |
Radiothérapie | 108 720 | 66 981 |
Rhumatologie | 58 381 | 61 987 |
Stomatologie | 87 030 | 101 785 |
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