INLAND EMPIRE, c’est le nom d’une communauté de communes de la banlieue de Los Angeles. Rien à voir avec le film, sinon des associations d’idées personnelles de Lynch et peut-être l’allusion à l’exploration du territoire intérieur de l’esprit, l’impérieux inconscient. Et l’on est tout près d’Hollywood, où, au début du film une célèbre actrice apprend qu’elle a décroché un rôle très convoité. Un point de départ facile à appréhender si l’on n’avait droit en même temps à un trio d’acteurs à têtes de lapins et à un dialogue en polonais entre un homme et une femme dont on suppose qu’il s’agit d’une prostituée.
Grand adepte de la méditation transcendentale – il vient de publier aux Etats-Unis un livre sur le sujet – Lynch dit que ce qu’il aime au cinéma «c’est lorsque la lumière baisse, que le rideau s’ouvre et que l’on entre dans un nouveau monde». On ne peut que l’approuver, sauf que tous ces nouveaux mondes qui sont ainsi facilement abordables ne se valent pas. Celui d’« Inland Empire » se mérite, se conquiert plutôt. Pas seulement parce que le film dure près de trois heures. Mais parce qu’il mélange, sans souci d’explication ou de cohérence – avec plutôt le rejet de l’une et de l’autre – les temps et les lieux. On ne sait jamais si l’on est dans le présent de l’action, un flash-back, une vision du futur ou un fantasme du personnage, et seule la neige permet de supposer – supposer seulement – que l’on est en Pologne et non plus en Californie. Toute l’affaire est violente et, comme l’indique un avertissement à l’entrée de la salle, le film baigne dans un climat angoissant qui peut troubler un spectateur jeune ou sensible.
On soulignera que c’est la grande réussite de Lynch que la création de cette atmosphère. Au bout d’un moment, on cesse de s’acharner à suivre les méandres des intrigues et l’on se contente d’admirer les images, façonnées par le regard du peintre qu’est aussi David Lynch. Le cinéaste a utilisé des caméras numériques légères – le temps de la pellicule est révolu, dit-il –, ce qui lui a permis de filmer les acteurs au plus près et de retravailler les images au montage, comme autant de tableaux.
Laura Dern, déjà interprète de « Blue Velvet » et de « Sailor et Lula », joue le jeu comme un brave petit soldat, avec des scènes qui ont dû être très difficiles à tourner. Elle est extraordinaire dans un rôle à multiples facettes. La musique, avec de nombreux morceaux de Penderecki mais aussi Beck, Dave Brubeck, Nina Simone ou Lynch lui-même..., a aussi une grande part dans cette réussite hypnotique. Reste qu’on peut juger que c’est un cauchemar et choisir de ne pas aller s’y endormir.
> RENÉE CARTON
A lire
David Lynch, «artiste total», est en couverture des « Cahiers du cinéma » de février. Plus exactement, il est en couverture de la moitié des numéros, car, la revue, n’ayant pas réussi à choisir entre les deux événements du mois, a aussi mis à la une Clint Eastwood, pour la sortie (le 21) de « Lettres d’Iwo Jima ». Les « Cahiers » consacrent un important dossier à chacun des deux cinéastes. Ils proposent aussi 12 pages d’oeuvres graphiques inédites de Lynch, en prélude à l’exposition qui sera présentée à la fondation Cartier du 3 mars au 3 juin. Les inconditionnels pourront encore se procurer, aux éditions des Cahiers du cinéma, un livre d’entretiens avec Chris Rodley, largement illustré des archives personnelles du cinéaste et plasticien (« David Lynch », 224 pages, 50 euros).
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