« Rêve d'un soir » pour un médecin amateur de lyrique

Publié le 13/06/2001
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C'EST déjà une jolie prouesse d'avoir été sélectionné. Pas moins de 5 132 candidats ont en effet envoyé leur cassette à TF1 pour participer à « Rêve d'un soir ». Moins, certes, que les impétrants à « Loft Story », qui n'étaient pas moins de 38 000 (« le Quotidien » du 5 avril).

Il n'empêche que, pour le Dr Michel Fatras, 42 ans, médecin reconverti dans le marketing chirurgical, le fait d'avoir été retenu par un jury de professionnels avec 200 autres candidats, puis de se retrouver demain, en direct, avec les 17 autres finalistes, « c'est une chance inouïe ! », comme il le dit lui-même. D'autant plus inouïe que notre médecin-chanteur n'a pas choisi la facilité, en concourant sur des airs d'opéra.
La « carrière » d'artiste lyrique de cet ancien hospitalier qui a travaillé au Gabon, puis en banlieue parisienne (à Asnières), est toute neuve : « Je me suis inscrit sur un coup de tête dans une chorale il y a seulement quatre ans, raconte-t-il ; j'étais à l'époque à la recherche d'une activité conviviale. A notre programme, nous avions un répertoire très classique, avec des œuvres de Purcell, Mozart et Rossini. Ma chance aura été de trouver très vite ce mystérieux déclic qui fait que, de chantonneur, vous vous retrouvez réellement chanteur. Il y a un petit quelque chose à piger, grâce auquel vous libérez tout à coup votre voix et vous apprenez à la maîtriser. Car ce n'est pas le tout d'avoir des chevaux sous le capot, encore faut-il assurer une bonne tenue de route ! »
Alors, Michel Fatras a travaillé sans relâche au long de ces quatre ans. Sa voiture a été son principal studio de répétition, à raison d'une heure ou deux par jour. « Evidemment, dans les embouteillages, vous passez pour un fou pour les autres conducteurs, mais chanter au volant est-ce plus indécent que de s'y récurer les fosses nasales ? »

Un franc par téléspectateur qui vote

Quoi qu'il en soit, notre baryton progresse et s'attaque carrément aux grands solos du répertoire. Il se produit dans des formations d'amateurs, monte des opérettes d'Offenbach, compose, comme parolier, des chansons de variété. Et c'est son partenaire musicien, dans ce dernier exercice, qui l'inscrit, à son insu, au casting de TF1.
L'émission, produite et animée par Arthur, n'est après tout qu'une énième resucée des radios crochets en vogue sous nos grands-parents. La force de frappe de la télé privée en plus du concept éculé.
Ce qui permet de promettre aux heureux sélectionnés leur rêve d'un soir, qui sera assorti, pour le finaliste, d'un pactole accumulé à raison d'un franc par appel de téléspectateur qui vote. Car, bien sûr, c'est au sacro-saint public de trancher, en appelant un numéro dûment surtaxé (communiqué lors de l'émission).
Mais le Dr Fatras ne boude pas du tout son plaisir. Même si, dans son entourage familial et amical, les avis, confesse-t-il, sont « partagés ». Et même si on lui objecte qu'au milieu des autres candidats il risque d'être un peu forcé de jouer le médecin de service, qui plus est seul à pousser la note sur un registre classique, quand tous les autres s'adonnent à des variétés populaires. Mais, justement, explique-t-il, « c'est une grande joie de tenter de faire passer dans le très grand public le chant lyrique. Et de communiquer à un auditoire aussi large l'énergie vitale qu'exprime le chant. Cette même énergie à laquelle des malades réputés perdus doivent leur survie quand d'autres, normalement curables, succombent parce qu'elle leur a fait défaut. On n'est pas si loin que ça de la médecine... »
Cet après-midi, répétition générale au studio 102 de Radio France ; demain, en direct, épreuve finale. « J'éprouve une certaine tension intérieure, un peu comme à la veille d'un examen, confie Michel Fatras. Mais ce ne sera pas l'événement de ma vie. Il hésite un instant... Quoi que... Si demain, après l'émission, Jérôme Savary veut m'appeler... »
Rêve d'un soir et, qui sait, rêve d'une vie ?

Christian DELAHAYE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6936