C’EST dans un climat de pression et de tension tous azimuts que se réunit ce matin, à partir de 9 h 30, le conseil de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (Uncam), où siègent les partenaires sociaux.
A l’ordre du jour (entre autres points) : les «orientations sur les négociations conventionnelles pour 2006», autrement dit, le cadrage des discussions caisses-médecins qui reprendront mercredi 25 janvier avec une réunion que beaucoup jugent déjà «cruciale».
Même si, en vertu de la nouvelle gouvernance de l’assurance-maladie, le conseil de l’Uncam s’efface devant le directeur général (qui négocie seul avec les médecins libéraux), le fait qu’aucune décision (notamment tarifaire) n’ait été prise à ce jour, au grand dam des syndicats médicaux signataires (Csmf, SML et Alliance), n’est pas anodin. Plusieurs facteurs économiques et politiques limitent fortement les marges de man?uvre du directeur : l’engagement du gouvernement à réduire le déficit de l’assurance-maladie en 2006 (à 6,1 milliards d’euros, contre 8,3 milliards en 2005) ; le risque d’une intervention du comité d’alerte sur les dépenses avant le mois de juin ; la nécessité pour l’assurance-maladie de tenir compte des revendications des autres professions de santé (dentistes, kinés, infirmières, etc.) ; ou encore les pénalités financières pour les patients hors des parcours de soins depuis le 1er janvier, qui rendent plus difficile la pédagogie sur les augmentations des médecins.
Le ton monte.
Dans ce contexte lourd, le directeur, Frédéric van Roekeghem, a pu donner l’impression de «jouer la montre». Le ton est monté entre l’assurance-maladie et les syndicats signataires, déterminés à ne pas laisser le champ libre aux opposants à la convention (MG-France et la FMF), à quelques mois des élections professionnelles pour le renouvellement des unions.
Les orientations sur les négociations sont très attendues sur deux points : l’évolution des honoraires ( versus maîtrise médicalisée) et le secteur optionnel.
Honoraires:calendrier et modalités.
Le bilan consolidé très encourageant de la maîtrise médicalisée (722 millions d’euros à la fin de novembre) est un argument de poids pour les syndicats médicaux, que ne peuvent ignorer les partenaires sociaux. «La maîtrise médicalisée connaît un succès certain, les médecins de ville ont globalement respecté leurs engagements, il faut appliquer toute la convention», affirme le chef de file d’une confédération de salariés, persuadé que le directeur «va proposer un calendrier très rapide». Pour le Dr Bernard Salengro (CGC), «il faut jouer le jeu car nous avons besoin de l’engagement des médecins, qui ne sont pas surpayés». Estimant que le contrat des médecins libéraux est «rempli», la Csmf juge que plus rien ne s’oppose à la mise en ?uvre de la deuxième tranche de revalorisations prévues dans la convention, à savoir 1 euro supplémentaire sur la majoration de coordination des médecins correspondants et, pour les médecins traitants, la majoration de 3 euros sur les consultations des enfants 2 à 6 ans. En tout état de cause, la Csmf a annoncé que ces majorations devaient intervenir «au plus tard» le 12 février, date anniversaire de la convention, faute de quoi, les médecins appliqueront d’autorité ces nouveaux tarifs. La prise en compte de la situation des spécialités qui ont subi une chute de recettes avec le passage par le médecin traitant (– 3,5 % pour les dermatologues, – 1,3 % pour les rhumatologues, – 2,2 % pour les cardiologues, – 3,2 % pour les ORL, etc.), non compensée par les revalorisations de 2005, semble acquise sur le principe. Le directeur devrait expliquer aujourd’hui au conseil de l’Uncam que des «mesures correctives» ciblées,applicables très rapidement , sont indispensables pour ces disciplines. L’Uncam doit enfin examiner les hypothèses de revalorisation du médecin généraliste traitant (au regard d’un nouveau programme de maîtrise médicalisée pour 2006, proche de 1 milliard d’euros). Même sicertains membres du conseil de l’Uncam plaident pour des forfaits liés à la prévention ou la santé publique, la plupart jugent que la revalorisation de l’acte de base est légitime. «Il faudra trouver un équilibre entre l’acte et les forfaits, et surtout tenir le lien de confiance», précise Bernard Salengro. Les trois syndicats médicaux signataires visent un C à 23 euros à l’horizon 2007, à atteindre en quelques étapes (dont 1 euro au premier trimestre 2006). Selon André Hoguet (Cftc), une chose est certaine : «Ce ne seront pas les 5euros sur leC que réclame MG-France!» Pour éviter les «surenchères» tarifaires «qui conduisent au comité d’alerte», Jean-Claude Mallet (FO) est partisan d’un report «à la fin de l’année» des élections aux unions régionales de médecins libéraux.
Secteur optionnel: l’issue impérative.
Initialement prévue au plus tard le 30 juin 2005 dans l’accord d’août 2004 entre les chirurgiens et les pouvoirs publics, la création d’un secteur optionnel (à tarifs opposables, avec des dépassements plafonnés et remboursés par les régimes obligatoires et complémentaires) empoisonne depuis plus de six mois le climat conventionnel. Semaine après semaine, les représentants des spécialistes dénoncent le non-respect de la signature de l’Etat et de l’assurance-maladie. En juin dernier, le conseil de l’Uncam avait douché l’enthousiasme des syndicats signataires : examinant les conditions d’exercice de certains spécialistes titrés (anciens chefs de clinique assistants des hôpitaux ou Acca), le conseil refusait non seulement toute réouverture du secteur II, mais ne proposait aucune alternative sur la création d’un secteur optionnel attrayant (le conseil souhaitait examiner auparavant l’impact de la nouvelle Ccam technique). Faute de mandat explicite, le directeur de l’assurance-maladie n’a jamais ouvert officiellement les négociations sur le secteur optionnel, même si des contacts ont eu lieu avec les syndicats. Sous la pression des syndicats de spécialistes, mais aussi de Xavier Bertrand, qui estime que le statu quo est «intenable», la question du secteur optionnel et de la résolution du point 9 de l’accord chirurgiens (retour à un choix de secteur d’exercice pour les anciens Acca) revient donc aujourd’hui au menu du conseil de l’Uncam. Plusieurs syndicats de salariés se sont rangés à l’idée que le secteur optionnel était une voie possible pour endiguer les dépassements sauvages, à condition d’exiger des contreparties mesurables des spécialistes (formation, accréditation, protocoles). Mais cette analyse ne fait pas l’unanimité. Pour forcer la marche, le ministre de la Santé a décidé de réunir le 30 janvier l’assurance-maladie, les syndicats médicaux et les complémentaires pour discuter de ce sujet.
Le SML (1) a prévenu que, en cas de «rejet du secteur optionnel par le conseil», il engagerait «immédiatement un contentieux pour non-respect d’un accord». En cas d’impasse sur le secteur optionnel, tous les syndicats signataires appelleront à la réouverture du secteur à honoraires libres pour les médecins concernés (chirurgiens et anciens Acca).
(1) Voir la Carte blanche du SML.
La menace de l’Umespe
Après avoir appelé au boycott de la carte Sesam-Vitale (mot d’ordre toujours en vigueur), le Dr Jean-François Rey, président de l’Umespe (spécialistes de la Csmf), annonce un «mouvement d’actions» de type «guérilla administrative et tarifaire» si la négociation du 25 janvier ne «concrétise» pas les demandes prioritaires du syndicat : application des majorations prévues dans la convention ; mesures de compensation pour les «trois ou quatre spécialités» dont les revenus ont diminué avec les parcours de soins ; création du secteur optionnel. L’Umespe réclame également la mise en place de mesures «structurantes»: une commission de hiérarchisation des actes «efficace», l’observatoire sur la Ccam technique et le lancement de la réforme des consultations.
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