LE QUOTIDIEN – Que vous inspire l'avant-projet de loi Patients, santé et territoires (PST) ?
DrMICHEL CHASSANG – Je me garderai de porter un jugement définitif sur cet avant-projet. Des arbitrages sont en cours. à la première lecture se dégage tout de même l'impression que nous sommes très loin des objectifs présentés lors de la campagne présidentielle. Ce texte parle de planification et d'étatisation de la médecine. Il évoque la territorialisation ayant pour base l'hôpital et la mise en place d'un schéma régional d'organisation des soins (SROS) ambulatoire dans le cadre d'un territoire de santé. Il s'agit d'une étatisation de la santé sans précédent dans notre pays alors que tous les autres pays, à l'instar de la Grand-Bretagne, font machine arrière. La médecine libérale risque d'en subir les conséquences.
Le gouvernement planche également sur le prochain PLFSS que d'aucuns annoncent rigoureux. Dans un contexte économique maussade, quel ONDAM réclamez-vous pour la médecine de ville ?
2008 a été une année blanche en termes de revalorisation d'honoraires. Attention à ne pas faire de même en 2009. Tout contrat conventionnel signé ne pourra être mis en application au minimum que six à huit mois plus tard en raison des stabilisateurs économiques. Dans ces conditions, tous les retards intempestifs des négociations conventionnelles sont de nature à décrédibiliser le système et à émousser la confiance des médecins vis-à-vis des pouvoirs publics et du gouvernement. Nous attendons de connaître le niveau de l'ONDAM global que nous souhaitons entre 3 et 4 %. La répartition entre la médecine de ville et l'hôpital nous montrera si le gouvernement souhaite aller vers une équité des deux secteurs ou si la médecine libérale reste une variable d'ajustement de l'hôpital.
LE NOMBRE D'ADHESIONS DOIT RESTER UN CRITERE PREPONSERANT DE LA REPRESENTATIVITE
Redoutez-vous de nouvelles décotes tarifaires pour certains spécialistes ?
Les médecins libéraux ne comprendraient pas, alors qu'ils ont fait beaucoup d'efforts, d'être pénalisés. La CSMF veillera en particulier à ce que les radiologues ou les biologistes ne soient pas mis à contribution. Nous refuserons toute mesure de décote tarifaire unilatérale.
Quel est votre ultime délai pour le passage du C à 23 euros ?
La convention de 2005 doit aller à son terme. Tout ce qu'elle prévoit doit être mis en application. Cela concerne le parcours de soins, la remise à niveau des honoraires, la réforme des nomenclatures clinique et technique, de la permanence des soins et la maîtrise médicalisée. Les retards imposés par le gouvernement décrédibilisent ce système. Après le point d'étape conclu cet été, la négociation doit reprendre en septembre. La bonne fenêtre de tir pour la conclure est le mois d'octobre. Ou nous risquons une année 2009 blanche. On a vu par le passé que bloquer la valeur des honoraires n'est pas une bonne politique. La CSMF veut aboutir à un accord sur l'ensemble des thèmes discutés en juillet : secteur optionnel, revalorisation du C à 23 euros, consultations longues pour les spécialités cliniques, contrats individuels, maîtrise médicalisée et démographie. Nous devrons avancer groupés et ne pas laisser de côté certaines spécialités.
Pour la première fois, les partenaires conventionnels sont parvenus à définir, avec les organismes complémentaires, des contours chiffrés au secteur optionnel (1). êtes-vous satisfait de ces curseurs ?
Le secteur II est l'objet d'une campagne d'attaques scandaleuses. Une récente enquête du ministère de la Santé (DREES) laisse entendre que la meilleure façon de limiter les dépenses de santé est de limiter les dépassements d'honoraires. C'est une manipulation malhonnête. Si on veut supprimer les dépassements, cela suppose au contraire un investissement financier supplémentaire des caisses ! Nous pensons que le secteur optionnel est la seule réponse structurelle à cette campagne odieuse. La meilleure façon de sauver le secteur II est précisément de négocier le secteur optionnel. Il faut que les médecins le comprennent.
LA MEILLEURE FACON DE SAUVER LE SECTEUR 2 EST PRECISEMMENT DE NEGOCIER LE SECTEUR OPTIONNEL
Le gouvernement prépare justement un décret pour délimiter ce que sera le « tact et la mesure », avec des sanctions pour les médecins qui pratiqueraient des dépassements abusifs. Les médecins ne doivent-ils pas se résoudre à voir disparaître le secteur II ?
Si nous ne créons pas le secteur optionnel, tout nous laisse penser que les pouvoirs publics s'attacheront à rogner les avantages du secteur II. Des dispositions sont prévues dans la loi PST, dans le PLFSS, un décret est en préparation, des rapports divers montrent que les dépassements d'honoraires sont dans le collimateur. Nous devons apporter une réponse à tout cela.
Les règles de la représentativité syndicale vont être revues. Qu'attendez-vous de cette réforme ?
Le gouvernement veut revoir la représentativité syndicale selon les mêmes règles qui existent pour les salariés. Dans ces conditions et parce que la convention vient à échéance début 2010, nous attendons une enquête de représentativité en 2009 puis des élections chez les médecins. Attention à ce que la représentativité ne soit pas exclusivement basée sur l'audience électorale. Le nombre d'adhésions doit rester un critère prépondérant de la représentativité.
La CSMF ouvre sa 14e université d'été, du 19 au 21 septembre, à Cannes. Pourquoi avoir décidé de la consacrer à la réforme hospitalière ?
Cette réforme est la plus urgente. Le président de la République a d'ailleurs dit qu'il s'agissait d'une réforme prioritaire avec celle du financement. Les médecins généralistes et spécialistes libéraux sont très concernés par la réforme de l'hôpital. Près d'un sur deux participe de près ou de loin au fonctionnement de l'hôpital. La CSMF s'intéresse à cette réforme. Il est aussi important de dire que les médecins, qu'ils exercent à l'hôpital ou en ville, sont avant tout médecins. Il y a plus de points communs entre eux que de points qui les divisent.
(1) Les médecins de secteur II qui souscriraient au secteur optionnel s'engageraient à réaliser au moins 30 % en actes opposables et à ne pas dépasser 50 % de dépassements d'honoraires sur le reste de leur activité.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature