Ah si l'on pouvait percer les secrets de la longévité ! Les chercheurs et statisticiens multiplient les études sans que des résultats incontestables apparaissent. Nombre d'entre elles montrent un lien entre la réussite et la bonne santé ou la longévité, qu'expliquent aussi bien la théorie comportementale (les membres des catégories socio-économiques supérieures ont un style de vie plus sain) que la théorie biologique (les processus internes liés au succès réduisent la susceptibilité à la maladie - par exemple, le stress qui accompagne les états de privation peut perturber le système immunitaire).
Donald A. Redelmeiler et Sheldon M. Singh (Sunnybrook and Women's Hospital, Toronto) ont voulu aller plus loin en choisissant une catégorie sociale atypique dans laquelle le succès n'est lié ni à l'appartenance à un milieu favorisé, ni à des responsabilités quotidiennes : les scénaristes. Leur travail peut être célèbre mais pas eux (qui connaît les scénaristes de « Lawrence d'Arabie », Robert Bolt et Michael Wilson ?). Selon la théorie comportementale, le succès ne devrait leur apporter aucun avantage en termes de longévité alors que selon la théorie biologique, cela devrait leur bénéficier.
Les deux chercheurs se sont donc penchés sur les 850 scénaristes ayant figuré dans la liste des nominations pour les oscars, dont 428 sont morts. Et le succès suprême, la conquête de l'oscar, est dans leur cas néfaste, puisque les oscarisés vivent en moyenne 3,6 années de moins que ceux qui ont seulement été nommés. Une situation différente de celle des acteurs : selon une étude des mêmes chercheurs, publiée par les « Annals of Internal Medicine » (15 mai 2001), les acteurs titulaires d'un oscar vivent 3,9 années de plus que leurs collègues moins reconnus (à chacun était apparié un comédien figurant dans le même film et né à peu près à la même époque).
Pour les auteurs, la différence tient au style de vie des scénaristes, qui, relativement anonymes, n'ont pas à protéger leur image ou leur réputation, au contraire des acteurs ou d'autres personnes qui ont réussi. Quand ils atteignent la réussite, c'est souvent tôt dans leur vie (aux alentours de la quarantaine) et ils n'y gagnent ni influence à leur travail ou dans leur groupe social, ni possibilité d'éviter le stress ou d'accéder aux privilèges de la célébrité.
Conclusion : « Le comportement pourrait être un puissant facteur qui peut moduler et même renverser le lien entre le statut et la longévité. » Billy Wilder, 95 ans, titulaire de trois oscars comme scénariste et d'un oscar comme réalisateur, sans oublier l'oscar du meilleur film pour « la Garçonnière ») pourrait répondre comme dans « Certains l'aiment chaud » : « Personne n'est parfait. »
* 22-29 décembre 2001.
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