APRÈS UNE PARENTHÈSE de deux mois exactement – les partenaires conventionnels s'étaient quittés le 25 juillet en signant un point d'étape –, les syndicats de médecins libéraux (CSMF, MG-France, SML, FMF et Alliance) et l'assurance-maladie se retrouvent ce matin, au siège de la CNAM, pour la reprise d'un « round » de négociations qui n'a cessé de s'étirer tout au long de l'année 2008.
Cinq dossiers sont au programme : les nouveaux thèmes et objectifs de maîtrise médicalisée (la caisse devrait réclamer un milliard d'euros d'économies sur deux ans – 2009-2010) ; la création du secteur optionnel ; les contrats individuels d'amélioration des pratiques individuelles (rémunérés « à la performance ») ; la démographie ; les revalorisations d'honoraires (mesures pour les spécialités cliniques et calendrier du C à 23 euros). Si le menu ne manque pas de saveur, une double contrainte très forte – politique et économique – prend en tenaille ces négociations qui laisseront un goût amer à la profession puisqu'elles se traduiront quoi qu'il advienne par une année 2008 blanche de revalorisations.
Imagination.
Contrainte politique d'abord : dans son discours de Bletterans (« le Quotidien » du 22 septembre), largement consacré à la médecine libérale, le chef de l'État a exigé des résultats à court terme sur deux dossiers : la démographie et la régulation des dépassements. Certains y verront un coup de pouce présidentiel, d'autres, une épée de Damoclès. L'Élysée a en tout cas fixé ses deux priorités stratégiques et, en creux, mis de côté les questions tarifaires.
Nicolas Sarkozy a prévenu : si les partenaires conventionnels manquent d'imagination et ne trouvent pas avant la fin de l'année des «mesures opérationnelles» pour augmenter l'offre médicale dans les zones désertifiées, l'État fera les choix qui s'imposent. Même si les syndicats de médecins ont noté sa préférence pour les mesures incitatives (tarifs différenciés par zone géographique, par exemple), la profession est au pied du mur. D'autant que l'accord offensif entre la Sécu et les infirmières, dont s'est réjoui Nicolas Sarkozy, a ouvert une brèche. La question des «contrats santé-solidarité», destinés à inciter les médecins installés à exercer une partie de leur activité en zones très sous-dotées (gardes, actions de santé publique, cabinet secondaire, vacations), va resurgir. Toute la question est de savoir si ce dispositif conservera une certaine souplesse ou sera contraignant ; la caisse envisage de diminuer la prise en charge des cotisations sociales des généralistes des zones surdotées qui refusent ces contrats santé-solidarité. Il sera également difficile d'ignorer la feuille de route présidentielle sur le secteur optionnel, l'objectif affiché étant «un meilleur encadrement des tarifs que le secteurII». Là encore, les partenaires ont trois mois pour aboutir, alors que le sujet empoisonne la vie conventionnelle depuis quatre ans. Les modalités du secteur optionnel ne semblent guère négociables : le périmètre est limité aux chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes de secteur II. Pour la première fois, cependant, Nicolas Sarkozy a évoqué la réparation de certaines injustices entre des praticiens qui «pour les mêmes qualifications et mêmes diplômes se trouvent dans des situations tarifaires très différentes». Ce qui dégage l'horizon des anciens chefs de clinique assistants (ACCA) « bloqués » en secteur I.
C à 23 euros en pointillé.
La contrainte est également financière. En attendant les arbitrages définitifs, ce week-end, sur l'enveloppe 2009 des soins de ville, Roselyne Bachelot a multiplié les discours de fermeté : à Opio d'abord (devant les cadres du SML), à Cannes ensuite (face aux responsables de la CSMF), au risque de doucher l'enthousiasme des plus optimistes. La revalorisation de la consultation de médecine générale, a-t-elle martelé, «s'envisagera» dès lors que les objectifs de maîtrise médicalisée sont «tenus». Selon la direction de la CNAM, environ deux tiers des objectifs d'économies avaient été respectés en 2007, et le résultat attendu ne serait pas meilleur en 2008. Jugée coûteuse par Bercy (1 euro supplémentaire sur le C équivaut à 230 millions d'euros en année pleine), délicate politiquement dans le contexte actuel, la revalorisation de l'acte de base s'inscrit toujours en pointillé.
Les parties pourraient avancer plus rapidement sur les contrats d'amélioration des bonnes pratiques individuelles (CAPI) censés instiller une part de paiement « à la performance » dans la rémunération des médecins libéraux. Selon l'avant-projet, les généralistes volontaires s'engageraient pendant trois ans (sur des objectifs de prévention – vaccination contre la grippe –, dépistage du cancer du sein, suivi des patients chroniques, prescription dans le répertoire...) et bénéficieraient de primes annuelles liées à l'atteinte des résultats. Très réservés au départ, les syndicats ont obtenu l'engagement de principe que ces contrats optionnels resteraient du domaine conventionnel.
Même si la négociation est corsetée, les partenaires ont intérêt à s'entendre. Le directeur de l'assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem, a déjà indiqué qu'il souhaitait un «accord global» d'ici à la fin de l'année . Et la profession a quelques raisons de préférer le compromis conventionnel à des arbitrages de l'État sans doute plus risqués.
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