L'IMPRESSION générale donnée par ce congrès est qu'il semble actuellement s'opérer, aux Etats-Unis, un net retour vers la dermatologie clinique. La part faite à la cosmétologie a, en effet, été beaucoup plus réduite que les années précédentes ; mais peut-être était-ce parce qu'il y avait moins de nouveautés dans ce domaine.
Place des biothérapies dans le psoriasis.
De nombreuses communications ont été consacrées aux anti-TNF alpha (principalement représentés par l'étanercept et l'infliximab), qui sont aujourd'hui largement utilisés pour traiter le psoriasis. Il ressort toutefois de ces exposés que ces biothérapies n'excluent nullement les traitements plus anciens, en particulier le méthotrexate. C'est ainsi que, en France, les dermatologues libéraux prescrivent beaucoup plus de méthotrexate que par le passé. Tout se passe comme si l'arrivée des biothérapies avait eu un effet libérateur, conduisant les praticiens à prescrire des traitements généraux à des patients auxquels ils n'osaient pas les proposer jusqu'alors. Il a également été présenté un poster sur le traitement du psoriasis de l'enfant par l'étanercept, ce qui signifie que, même dans cette population, on commence à envisager ce type de traitement. Une grande prudence s'impose toutefois.
La fibrose systémique néphrogénique.
L'un des temps forts du congrès a été le lien potentiel établi chez l'insuffisant rénal sévère entre l'injection de sels de gadolinium lors d'une IRM et le développement d'une fibrose systémique néphrogénique. Cette affection, de découverte récente, se manifeste par un état de sclérose généralisée, avec un aspect sclérodermiforme de la peau, qui est indurée et légèrement mamelonnée. Des cas mortels ont été décrits. Il y a donc lieu d'éviter l'injection de sels de gadolinium chez les sujets atteints d'insuffisance rénale sévère. En France, une alerte de pharmacovigilance vient d'être récemment lancée par l'Afssaps (voir encadré).
Vigilance à l'égard du tacrolimus.
L'an passé, une alerte avait été lancée par la FDA à la suite de cas de lymphomes et de cancers cutanés survenus chez des patients traités par le tacrolimus pour une dermatite atopique, sans qu'aucun lien de causalité n'ait pu être formellement établi.
Une grande étude au long cours est actuellement menée chez des patients traités par ce médicament pour évaluer les risques à long terme. Bien que les premiers résultats soient plutôt rassurants, le nombre de patients inclus et la durée du suivi sont encore trop faibles pour permettre d'avancer des conclusions formelles.
La percée de la photothérapie dynamique.
Dans le domaine thérapeutique, de nombreuses communications ont porté sur la photothérapie dynamique, qui a désormais fait la preuve de son efficacité dans le traitement des carcinomes basocellulaires.
Comparativement à la cryochirurgie ou à la chirurgie classique, l'avantage de cette approche est qu'elle induit moins de réactions inflammatoires. En revanche, elle est beaucoup plus onéreuse. A la lumière des travaux qui ont été présentés, on peut s'attendre que, dans l'avenir, ce traitement soit surtout réservé aux kératoses en voie de dégénérescence et aux carcinomes basocellulaires superficiels, mais relativement étendus, car il permet de traiter de grandes surfaces dans des conditions satisfaisantes.
En outre, la photothérapie dynamique s'ouvre maintenant à d'autres indications. Elle semble, notamment, donner des résultats très intéressants dans l'acné, dont elle pourrait devenir l'une des premières modalités de traitement dans les années à venir. Pour l'heure, les dermatologues français demeurent toutefois quelque peu réservés vis-à-vis de cette approche, comme à l'égard d'un certain nombre d'initiatives thérapeutiques. Cela tient en partie au fait que nombre d'études entreprises aux Etats-Unis sont uniquement menées contre placebo. Or le fait qu'une molécule ou une technique soit supérieure au placebo ne signifie pas pour autant qu'elle soit plus efficace que le traitement de référence.
Naevus congénitaux : ne pas intervenir trop tôt.
D'importantes mises au point ont été effectuées concernant l'attitude à observer face à un naevus congénital. Il a notamment été rappelé que la transformation maligne, lorsqu'elle survient, a souvent pour point de départ les cellules situées en profondeur. Il semble, en outre, que le risque d'évolution vers la malignité soit beaucoup plus faible que ce qui était précédemment décrit.
Dans ces conditions, plutôt que d'opérer précocement l'enfant, dès la première année qui suit sa naissance - ce qui n'évitera pas forcément la transformation maligne si elle doit avoir lieu -, il est sans doute préférable d'attendre la deuxième année, alors que la peau demeure encore souple, en donnant la priorité à l'esthétique. Cela signifie que, s'il n'est pas possible d'enlever le naevus sans que cela ait de sévères conséquences sur le plan esthétique, l'abstention doit être de règle. Tel est notamment le cas des naevus du cuir chevelu, d'autant que les cas de régression spontanée sont fréquents. S'il s'agit d'un petit naevus, il n'y a pas lieu de se hâter pour l'enlever. Face à un naevus étendu, il faut d'abord se poser la question du résultat esthétique, car, même si on enlève la totalité de la partie superficielle, on n'empêchera pas la transformation maligne éventuelle.
La dermatoscopie : un instrument précieux.
Plusieurs exposés ont été consacrés à l'apport de la dermatoscopie dans la prise en charge des naevi pigmentaires. L'accent a été mis sur le fait que, par la vision fine qu'elle procure, cette technique conduit à pratiquer moins d'exérèses inutiles de tumeurs qui sont, en réalité, dénuées de potentiel malin, d'où, également, une moindre proportion de cicatrices inutiles.
Des techniques concurrentes sont, par ailleurs, en train de voir le jour. Un intervenant a notamment présenté une technique photographique consistant à réaliser un « poster » de l'ensemble du corps d'un individu, ce qui permet d'apprécier le nombre et la disposition des naevi. Plusieurs équipes françaises travaillent sur des techniques similaires. Toutefois, ces procédés ne fournissent qu'une évaluation macroscopique, qui est loin d'apporter les mêmes renseignements que la dermatoscopie.
Chirurgie cutanée : ne pas arrêter les antiagrégants.
Jusqu'à présent, il était de règle d'arrêter les antiagrégants et les anticoagulants chez les patients devant faire l'objet d'une intervention chirurgicale cutanée, cela afin de prévenir le risque d'hémorragie. Cette attitude doit désormais être proscrite. En effet, chez un patient recevant un traitement antiagrégant au long cours, par exemple, parce qu'il est porteur d'un stent coronaire, le risque engendré par l'arrêt de ce traitement - en l'occurrence, l'occlusion du stent - est bien supérieur au risque hémorragique, qui, lors d'une intervention cutanée, est relativement faible si l'on s'entoure de précautions.
Comme les années précédentes, ce 65e Congrès de l'AAD a été marqué par une présence active des équipes françaises, qui témoigne de la vitalité de la recherche dermatologique dans notre pays.
* Hôpital Trousseau, Tours.
FSN et gadolinium : une alerte de l'Afssaps
Dans un communiqué de presse en date du 7 février 2007, l'Afssaps a lancé une alerte de pharmacovigilance concernant le risque de survenue d'une fibrose systémique néphrogénique (FSN) associé à l'injection de produits de contraste à base de gadolinium chez les patients en insuffisance rénale sévère.
Décrite pour la première fois en 1997, la FSN se caractérise par un épaississement de la peau et du tissu sous-cutané au niveau des membres et du tronc, pouvant entraîner une diminution de la mobilité articulaire, ainsi que des contractures invalidantes. Dans certains cas, il existe une atteinte des poumons, du foie, du cœur et des muscles. La FSN a été uniquement décrite chez des patients présentant une atteinte rénale, majoritairement en insuffisance rénale terminale. L'évolution du trouble peut parfois être fatale.
Actuellement, sept produits de contraste à base de sels de gadolinium sont autorisés en France pour la réalisation d'IRM : l'acide gadotérique (Dotarem), le gadobénate de diméglumine (Multihance), le gadobutrol (Gadovist), le gadodiamide (OmniScan), le gadofosvéset (Vasovist), le gadopentate de diméglumine (Magnevist) et le gadotéridol (Prohance).
En France, à ce jour, aucun cas de FSN n'a été rapporté aux centres régionaux de pharmacovigilance. L'évaluation du risque de FSN potentiellement lié à ces produits se poursuit.
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