ON EST BIEN FORCÉ d'admettre que la logique du président des Etats-Unis est irréfutable : il y a deux façons de mettre un terme à la sauvagerie en Irak : la défaite des terroristes ou, au contraire, leur victoire. Mais les insurgés ne sont pas défaits. Ils ont élevé le niveau d'insécurité et ils tuent beaucoup plus d'Irakiens que d'Américains, ce qui n'empêche pas les Etats-Unis d'avoir perdu 1 700 soldats depuis le début du conflit, tandis que l'on dénombre 13 000 blessés américains (parmi eux, des mutilés ou des handicapés à vie).
Bien entendu, tout cela ne serait pas arrivé si les Etats-Unis n'avaient pas déclenché le conflit avec Bagdad. Les Irakiens sont libres, mais ils ne peuvent pas avoir une vie normale dans un climat aussi délétère. On prépare fiévreusement le procès de Saddam Hussein, l'homme qui avait détruit depuis longtemps ses armes de destruction massive mais ne voulait pas le dire.
L'opinion bascule.
Il n'était ni excessif ni immoral d'aller abattre un régime sinistre. Le problème vient de ce que la tâche n'a pas été menée à bien. Sur le papier, la théorie néoconservatrice de la démocratisation du Moyen-Orient par la force n'est vraiment combattue que par ceux qui se moquent de la démocratie. Mais au cours de l'expérience irakienne, cette théorie n'a été soutenue par aucun des moyens indispensables : un budget militaire illimité, une participation massive du peuple américain à l'entreprise, et la présence sur place de plusieurs centaines de milliers de soldats.
Bien qu'ils aient accordé un second mandat à M. Bush, les Américains estiment, à raison de 50 %, que la guerre en Irak n'est pas justifiée. Le service militaire pour tous ayant disparu depuis la fin de la guerre du Vietnam, le recrutement des volontaires n'a jamais été aussi faible. Le Département de la Défense parvient à grand'peine à assurer les rotations. La guerre a déjà coûté plus de 200 milliards de dollars, ce qui n'a rendu les Irakiens ni riches ni heureux, mais augmenté la dette publique, déjà énorme, des Etats-Unis.
M. BUSH ET SON ÉQUIPE SONT EN PARTIE RESPONSABLES DE L'INSURRECTION
Le « New York Times » reproche au président Bush d'avoir de nouveau établi un lieu entre les attentats du 11 septembre 2001 et la guerre en Irak. Autant l'intervention en Afghanistan relevait de la légitime défense, autant le conflit irakien semble avoir été superposé à la lutte contre le terrorisme.
Toujours dans le « New York Times », Bob Herbert rappelle le chagrin des familles qui perdent un des leurs en Irak. Il remarque qu'il y a toujours des gens qui occupent de hautes fonctions pour décider une guerre, mais qu'ils n'y envoient pas leurs enfants ; ce sont les enfants de familles beaucoup plus pauvres ou anonymes qui vont se faire tuer. Et Bob Herbert en tire la conclusion que la réinstauration du service militaire obligatoire est la seule solution ; de cette manière, les enfants de ceux qui déclenchent la guerre ou s'y déclarent favorables seront enrôlés comme les autres, et les décideurs seront plus prudents.
La guerre pour la guerre.
Le propos peut paraître démagogique, mais il ne manque pas de bon sens. Car la guerre a créé ses propres arguments : elle se poursuit parce qu'elle a été déclenchée. M. Bush s'est bien gardé de dire que lui et son entourage sont responsables en partie de l'insurrection : il ne fallait pas dissoudre l'armée irakienne, il fallait prendre le contrôle des frontières, il fallait disposer d'une force d'invasion plus nombreuse. Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, croyait vraiment qu'il pouvait gagner cette guerre en faisant des économies. Il ne s'est pas trompé sur la prise de Bagdad, qui n'a demandé que trois semaines (et seulement une centaine de vies américaines). Il s'est trompé sur la création d'une démocratie irakienne. Laquelle était l'objectif.
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