REUNI pour son université d'été, le Medef s'est livré à une attaque en règle contre le gouvernement Raffarin auquel il reproche de ne pas en faire assez, et même de ne rien faire, pour les entreprises. Quels que soient ses arguments, le syndicat patronal ne devrait pas ignorer la politique : si le pouvoir n'aidait pas les entreprises, il ne serait pas aussi impopulaire. Inversement, des mesures trop fréquentes en faveur du patronat, assorties de décisions qui défavoriseraient les salariés, aboutiraient au retour de la gauche, ce qu'en bonne logique le patronat ne devrait pas souhaiter.
Le nouveau débat sur les 35 heures, ou comment défaire ce qu'on vient à peine de faire, prend un tour absurde : la réforme de la réforme est inutile. Trois textes ont été adoptés par la majorité, en 2002 et 2003, qui ont assez assoupli les lois sur la réduction du temps de travail pour que chacun y trouve son bonheur, depuis les très grandes entreprises capables de fonctionner avec les 35 heures, jusqu'aux plus petites qui sont en mesure d'adapter les horaires aux nécessités saisonnières de production. Ces textes sont en vigueur, alors qu'une réforme radicale (qui, par exemple, ferait de nouveau passer le temps hebdomadaire de travail officiel à 39 heures) mettrait le feu aux poudres. La droite, déjà si critiquée, et le patronat, tellement haï, n'ont sûrement pas besoin d'une épreuve sociale capable de les mettre à terre.
La promesse de Chirac.
De surcroît, le président de la République, le 14 juillet dernier, a pris l'engagement de ne pas modifier le temps de travail, dont il a admis qu'il représentait un avantage acquis. Dès lors, on ne comprend pas très bien cette consultation des syndicats conduite par Gérard Larcher, ministre délégué aux Relations du travail : que peut-il en attendre, sinon un refus obstiné ? Lequel n'empêche pas que, nonobstant les lois nombreuses que nos législatures fabriquent, l'usage et les contraintes quotidiennes finissent par éroder l'ambition du législateur.
LA REFORME DE LA REFORME EST INUTILE : LES TEXTES DE 2002 ET 2003 SONT SUFFISANTS
La meilleure façon de traiter le temps de travail en France, c'est la
négligence bénigne,c'est-à-dire le laisser-faire : ne pas réprimer avec sévérité le retour rampant aux 39 heures, mais ne pas décourager ceux qui se portent bien malgré les 35 heures. Ce pays croule sous les débats, sous les lois, sous les remises en cause. Il est préférable de laisser les patrons et leurs employés régler le problème dans chaque entreprise.
Il est vrai que le choix imposé à des firmes en difficulté (augmenter le temps de travail ou périr) est apparu comme un juste retour du balancier jusqu'au moment où on a soupçonné d'autres patrons de les imiter hâtivement, non par nécessité, mais pour améliorer les performances de leur société au détriment des salariés. On a parlé de chantage, mais les cas sont à ce jour fort peu nombreux. Il n'est pas certain que les directions qui, désormais, établissent toutes leurs prévisions sur la base des 35 heures aient tellement envie de chambouler leur gestion pour grappiller quelques milliers ou millions d'euros. Le pire n'est pas toujours sûr.
C'est Nicolas Sarkozy qui a relancé le débat, et on peut s'interroger sur ses motivations, car il n'ignore pas que les 35 heures sont un baril de poudre. Sans lui faire de procès d'intentions, il aurait voulu embarrasser un peu plus un Jean-Pierre Raffarin déjà raillé de toutes parts qu'il ne s'y serait pas mieux pris. Ou alors il s'efforcerait de prouver par la surenchère que le chef de l'Etat n'est pas capable de tenir une promesse qu'il a faite il y a à peine six semaines.
Le ministre de l'Economie s'appuie sans doute sur ceux qui, à l'UMP, pensent que les lois Aubry constituent une régression, particulièrement malencontreuse à l'époque des délocalisations et du chômage massif. Quoi qu'en disent les socialistes, la RTT a été un cadeau empoisonné qu'ils ont fait à la société française. La reprise modeste de cette année ne s'accompagne d'ailleurs pas de créations d'emplois.
Ils font ce qu'ils peuvent.
C'est dire d'une autre manière qu'une abrogation des lois Aubry ne serait pas une folie, si la France n'était ce qu'elle est et s'il y avait une direction politique assez puissante et assez respectée pour l'imposer au peuple. Ce n'est pas le cas. Même dans les meilleurs moments de la majorité, François Fillon a fait adopter une réforme des retraites qui ne prévoit qu'un tiers du financement nécessaire. Et aujourd'hui encore, Philippe Douste-Blazy lance une réforme de l'assurance-maladie qui ne comblera pas le « trou » de la Sécurité sociale. On peut toujours lancer la pierre à des ministres qui ont quand même eu le courage de s'attaquer aux scléroses du pays. Ils auront beau jeu de répondre que la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a.
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