En management, la performance est définie comme un construit multidimensionnel composé de dimensions difficiles à aligner, tant l’organisation est complexe. Ainsi, la grande complexité des organisations de santé entraîne une tension forte et continue entre ces diverses dimensions. Malgré ou à cause de ces tensions, il est important d’apprécier la performance de façon globale et concomitante. À ce niveau, la particularité de la gouvernance des systèmes de santé n’est pas d’ignorer la performance de ses organisations, mais plutôt de l’apprécier fragmentairement et consécutivement. Plusieurs mécanismes de reddition coexistent indépendamment les uns des autres. Par exemple, on mesure la performance d’un point de vue financier pour atteindre l’équilibre budgétaire, ainsi qu’à travers un processus de certification qui insiste sur la qualité des soins, ou bien sur le climat social et les ressources humaines.
Caractère multidimensionnel de la performance
Le fait d’avoir plusieurs mécanismes pour mesurer la performance n’est pas un problème en soi. Au contraire, cela permet de prendre en compte le caractère multidimensionnel de la performance. Par contre, il s’ensuit un problème que l’on ignore trop souvent : l’absence d’une évaluation globale et concomitante qui intègre l’ensemble des dimensions de la performance. La mesure, à des moments différents, de diverses dimensions, appréciées une à une, sans faire de liens entre elles, omet le fait que la performance est le résultat de l’atteinte d’un optimum, un compromis entre des dimensions de performance qui ne peuvent pas être toutes maximisées. La conséquence d’une évaluation successive de ces performances est de masquer la capacité d’apprécier la performance. Or, dans la mesure où la performance n’est pas analysée dans son ensemble, on compromet l’alignement des modes de gestion pour la garantir.
Il est donc primordial de concevoir la performance à partir d’un modèle conceptuel complet et intégré. La notion d’équilibre est importante afin d’éviter le piège de compter plusieurs indicateurs dans une dimension de la performance, alors que d’autres dimensions sont moins pourvues. La surreprésentation d’une dimension peut conduire à un biais dans les choix stratégiques et opérationnels ultérieurs. Mettre en place un modèle d’évaluation de la performance équilibré permet également de sortir du risque d’un seul choix d’indicateurs réalisé à partir de l’information disponible.
Le concept de parcimonie
Le nombre d’indicateurs composant le système d’évaluation est un autre enjeu central. Un faible nombre est souvent recherché dans la création des tableaux de bord. Même s’il s’agit d’un principe utile, il faut le manier avec prudence. Au niveau de la tutelle ministérielle ou des agences régionales, un système de rééddition de comptes fondée sur la parcimonie est un principe louable. En effet, les organisations de tutelle devraient normalement faire du macromanagement plutôt que du micromanagement (sous forme d’interventions directes dans les établissements de santé). L’enjeu réside dans le choix d’indicateurs qui soient représentatifs et capables de produire un effet d’entraînement. Par exemple, l’indicateur de consommation des produits hydroalcooliques dans le tableau de bord des infections nosocomiales a toujours eu pour objectif de déclencher une sensibilisation sur d’autres actions relatives à l’hygiène, notamment le lavage des mains.
Au niveau des organisations de santé, la parcimonie devrait se limiter au sommet stratégique. Par contre, les responsables de pôles et les gestionnaires en charge du suivi des opérations doivent pouvoir compter sur des systèmes d’appréciation de la performance complets et détaillés. Il faut s’assurer ici d’un grand nombre d’indicateurs, car on est près de la production des soins. Il est de la responsabilité locale des organisations de santé de posséder un système d’appréciation complet de leur performance, de manière à pouvoir gérer efficacement l’ensemble de leurs processus de soins.
Dans cette perspective, le problème n’est pas tant la question de la parcimonie que la nécessité d’assurer une synergie entre les systèmes locaux et externes. Idéalement, ces deux niveaux d’appréciation de la performance devraient être cohérents.
L’appropriation de la gestion de la performance par les acteurs
Mesurer la performance, c’est une chose. Mais s’assurer que les professionnels transforment leurs façons de faire, de manière à intégrer cette nouvelle dimension de la gestion des organisations de santé demeure un défi tout aussi grand.
Un premier levier de changement est bien sûr le renforcement des mécanismes externes de contrôle de la tutelle ministérielle ou des agences régionales. Ce type d’action est nécessaire, mais son potentiel peut être rapidement mis en échec si ce contrôle est perçu comme trop déconnecté des spécificités locales. Il favorise alors les contournements de système où les organisations dépensent leur énergie à jouer avec le système, plutôt qu’à améliorer leur performance.
Diffusion publique de l’information
Dans cette perspective, deux autres mécanismes peuvent être utiles d’une manière complémentaire. Le premier est la diffusion publique de l’information ou classement. Des initiatives en matière de diffusion publique ont déjà cours en France, avec le tableau de bord des infections nosocomiales et les indicateurs autour du dossier du patient (tenue du dossier du patient et du dossier anesthésique, traçabilité de la douleur, dépistage des troubles nutritionnels, délai d’envoi des courriers de fin d’hospitalisation). La diffusion de cette information est utile dans la mesure où elle augmente la transparence et incite les organisations de santé à s’améliorer. À ce niveau, l’enjeu principal revient à un principe : assurer une synergie entre le système local et le système externe. Idéalement, ces deux niveaux d’appréciation de la performance devraient être logiquement cohérents afin de produire un effet d’entraînement.
Benchmarking
Le second est le benchmarking (ou balisage). L’idée est, pour une organisation de santé, de se comparer à d’autres organisations pour pouvoir déterminer dans quelle mesure elle est performante, et cela sans diffusion publique de l’information. Ce modèle de gestion est souvent évoqué, mais son application est souvent insuffisante dans la mesure où il s’appuie sur un raisonnement à la moyenne. On investit tous les efforts à améliorer les indicateurs de performance qui sont en dessous de la performance du groupe. Les indicateurs supérieurs à la moyenne sont perçus comme pleinement satisfaisants et font l’objet de moins d’attention. À terme, l’évolution tend à ramener l’ensemble vers la moyenne. Le réel modèle de gestion, sous-jacent au benchmarking, demande plutôt aux organisations de choisir les organisations les plus performantes dans leur domaine. L’idée étant d’enclencher un processus général d’émulation et d’imitation pour entreprendre un processus d’amélioration continue de leur performance.
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