Livres
Le « pape du Nouveau Roman » est donc sorti de sa tanière - plus précisément de son château normand, où il passe une grande partie de son temps à entretenir le parc et sa collection de plus de 500 cactus - qu'on avait plus ou moins pris l'habitude de considérer comme des oubliettes : c'était de sa faute, puisqu'il avait lui-même annoncé à l'époque de « Djinn » qu'il n'écrirait plus de roman et se cantonnerait peut-être même au cinéma.
Il avait presque tenu parole puisque depuis n'ont été publiés que les trois volumes de son « autobiographie fantasmée » - « de plus en plus fantasmée », ajoute-t-il aujourd'hui - les « Romanesques » (« le Miroir qui revient » en 1985, « Angélique, ou l'enchantement » en 1988 et « les Derniers jours de Corinthe » en 1994).
Grande donc a été la surprise de voir annoncée cette « Reprise » parmi les livres de la rentrée et tout aussi grand l'intérêt suscité par l'ouvrage - que les jurés du Goncourt, rappelons-le, ont aussitôt intégré dans leur liste. Il faut seulement espérer que les « nouveaux lecteurs » ne se laisseront pas influencer comme leurs aînés par la soi-disant illisibilité qu'on a prêté jadis aux textes de Robbe-Grillet.
Pourtant « la Reprise » - ce seul titre en augure - peut difficilement être pris pour une uvre isolée et si l'auteur continue d'affirmer qu'il écrit toujours le même livre, il serait plus juste de dire qu'elle appelle et renvoie à ses autres romans, « Un Régicide », « les Gommes », « le Voyeur », « la Jalousie »...
Les premiers mots du prologue, « ici, donc, je reprends, et je résume », sont explicites. Ce n'est pas seulement le narrateur, HR, qui en ce mois de novembre 1949 raconte son voyage dans le train qui le conduit vers Berlin. Agent subalterne d'un service français de renseignement, il est en route pour une mission dont il ne sait rien que les quelques gestes qu'il doit accomplir. Mais dans ce train il aperçoit son double, son sosie, un homme qui lui ressemble trait pour trait sauf que son visage est glabre tandis que HR porte une moustache... un postiche évidemment.
L'intrigue est bien là, dans ce récit d'espionnage qui multiplie les doubles et les faux-semblants sur fond de ruines.
1949 est l'année où Robbe-Grillet a écrit « Un régicide », son premier roman qui n'a été publié qu'en 1978. La boucle semble bouclée mais il ne faut jurer de rien avec ce jeune, plutôt que nouveau écrivain.
Editions de Minuit, 253 p., 99 F (15,09 euros)
* A lire aussi « le Voyageur. Textes, causeries et entretiens (1947-2001) » d'Alain Robbe-Grillet, choisis et présentés par Olivier Corpet et Emmanuelle Lambert, cinquante années de sa vie rassemblées par ses soins (Editions Christina Bourgois, 552 p., 160 F, 24,39 euros).
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