La CRIIRAD en est convaincue : le gouvernement français aurait minimisé la gravité des retombées de l'accident de Tchernobyl en France. Pour le prouver, l'organisation a présenté à la presse un atlas complet de la contamination. L'ouvrage recense les mesures de contamination des sols par le césium 137 effectuées par des scientifiques pour la CRIIRAD entre 1987 et 1993, en France et dans plusieurs pays européens.
Pourquoi le choix du césium 137 comme indice de contamination ? « Car lors de l'explosion, parmi les 20 radionucléides propulsés dans l'atmosphère, le césium 137 était un des plus dangereux, avec l'iode 131, explique-t-on au CRIIRAD. L'iode 131 ayant une demi-vie de huit jours, les études actuelles ne peuvent porter que sur le césium 137, dont la demi-vie est de trente ans. Un simple calcul permet de relier le taux actuel de césium 137 à celui, en avril 1986, de l'iode 131, réputé très toxique pour sa capacité à se fixer sur la thyroïde. » Le choix du césium 137 est doublement intéressant car lui aussi peut, dans une moindre mesure, se fixer sur la thyroïde et y avoir un effet mutagène. Or ce radionucléide est encore fortement présent dans les sols français, selon la CRIIRAD. L'atlas indique que tout l'est de la France, de l'Alsace à la Corse, a été contaminé.
La cartographie est précédée d'un « dossier de référence démontrant point par point la façon dont les autorités se sont efforcées - et s'efforcent encore - de sous-évaluer la réalité de la contamination de la France par les retombées de Tchernobyl », assure la CRIIRAD. Ainsi, l'Etat français aurait possédé des chiffres qu'il n'a jamais diffusés. Par exemple, une note du 16 mai 1986 faisant état d'une contamination du lait de brebis en Corse par l'iode 131 jusqu'à plus de 10 000 becquerels par litre, alors que la réglementation européenne interdisait la vente de produits alimentaires contenant plus de 500 bq/l. Ce chiffre était accompagné sur le document du commentaire suivant : « Nous avons des chiffres qui ne peuvent être diffusés. »
Autre reproche de la CRIIRAD au gouvernement : l'absence de loi française protégeant les enfants avant 1996, date à laquelle a eu lieu la transcription de la directive européenne de 1984, qui préconisait de prendre en compte les « caractères physiologiques et anatomiques » de l'enfant concernant l'ingestion maximale d'iode tolérable pour la thyroïde. Ainsi, selon l'OMS, un adulte peut au maximum ingérer 100 000 bq d'iode par an, contre seulement 45 000 pour un enfant de dix ans. Malgré ces données, la modification, en 1988, du décret relatif aux principes généraux de protection contre les rayons ionisants n'a inclu aucun article concernant la protection des enfants.
Plusieurs des 200 plaignants français malades de la thyroïde, qui ont engagé une procédure judiciaire depuis mars 2001 pour « coups et blessures involontaires », étaient des enfants présents au moment du passage du nuage radioactif en France. La CRIIRAD compte remettre son atlas à Odile Bertella-Geffroy, la juge d'instruction en charge du dossier.
Reconstitution
Quelques heures après les accusations de la CRIIRAD, le gouvernement a annoncé dans un communiqué sa volonté de créer un groupe de travail sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl en France. Ce groupe sera présidé par le Pr André Aurengo, du service de médecine nucléaire du groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière. Sa mission : compléter ou actualiser les données déjà collectées en vue notamment de reconstituer « les doses et les risques » encourus par la population française. Les résultats, qui seront rendus publics, compléteront le dernier rapport* de l'InVS sur la surveillance nationale des cancers thyroïdiens rendu public en décembre 2001.
Compétences élargies pour la sûreté nucléaire
Un seul organisme s'occupe désormais de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. André-Claude Lacoste, 60 ans, à la tête de la direction de la Sûreté des installations nucléaires depuis 1993, a été nommé en conseil général directeur général de cette autorité placée sous la tutelle des ministères de l'Industrie, de l'Environnement et de la Santé. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, le « gendarme du nucléaire», peut contrôler l'ensemble des installations nucléaires civiles, notamment les centrales ou les installations de retraitement, dont il peut décider la fermeture totale ou partielle. Ancien élève de Polytechnique et de l'Ecole des mines, M. Lacoste a fait toute sa carrière au sein du ministère de l'Industrie.
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