L E rôle des estrogènes dans l'ossification du cartilage épiphysaire et, par conséquent, la fin de la croissance, est bien montré dans les deux sexes. Dans le sexe masculin, notamment, trois cas ont été rapportés de mutations aboutissant au blocage de l'action des estrogènes : mutation du récepteur alpha estrogénique, ou de la P-450 aromatase, enzyme clé de la synthèse des estrogènes. Dans ces trois cas, la croissance s'est poursuivie au-delà de vingt ans. Et chez les deux hommes portant une mutation de l'aromatase, un traitement estrogénique a permis d'induire l'ossification épiphysaire en quelques mois.
En pratique pédiatrique, des inhibiteurs non spécifiques de l'aromatase (testolactone) ont été utilisés durant des années pour bloquer la conversion de la testostérone en estrogènes, et tenter de reproduire ainsi la situation de blocage naturel de l'activité estrogénique.
Dans l'étude scandinave publiée dans le « Lancet », c'est un inhibiteur spécifique de l'aromatase, le létrozole (Novartis) qui a été évalué, chez des garçons d'une quinzaine d'années, présentant un retard pubertaire doublé d'un retard de croissance, sans autre pathologie sous-jacente.
La taille prédite augmente de 5,1 cm
Trois groupes ont été constitués. Dix garçons sont restés sans traitement, à leur demande. Douze garçons ont été traités durant douze mois par testostérone, pour accélérer la puberté, et un groupe placebo. Enfin, onze garçons ont été traités par testostérone et létrozole, pour tenter de prolonger la période de croissance.
Les résultats indiquent que le létrozole inhibe effectivement la synthèse d'estrogènes et prolonge la période de croissance osseuse. En dix-huit mois, l'âge osseux des garçons non traités avait progressé de 1,1 an, contre 1,7 an dans le groupe traité par testostérone et placebo, et 0,9 an dans le groupe recevant l'inhibiteur de l'aromatase. Quant à la taille prédite à l'âge adulte, elle augmente de 5,1 cm chez les garçons traités par l'inhibiteur, par rapport aux tailles, équivalentes, prédites dans les deux autres groupes.
Ces résultats confirment donc les mécanismes hormonaux envisagés dans la croissance. On sait que les stéroïdes accélèrent l'apparition des caractères sexuels secondaires et la survenue de la poussée de croissance, sans toutefois augmenter, ni diminuer la taille finale. Associé à un inhibiteur de la synthèse des estrogènes, il semble donc que le traitement atteigne les deux objectifs, la poussée de croissance induite par la testostérone se prolongeant en l'absence d'estrogènes.
Dans un éditorial associé, Richard Stanhope (Londres) regrette la faiblesse des effectifs et la brièveté du suivi, l'un et l'autre insuffisants pour évaluer le risque de gynécomastie, lié à la testostérone et en principe diminué par l'inhibiteur de l'aromatase, ou encore, les proportions des différentes parties du corps dans le gain de taille, en particulier au niveau de la colonne vertébrale, généralement courte par rapport aux jambes en cas de retard constitutionnel de la puberté et de la croissance. Il souligne néanmoins la solidité de l'essai contrôlé, qui pourrait déboucher sur un nouveau traitement du retard constitutionnel de la puberté et de la croissance chez les garçons.
S. Wickman et coll. « Lancet » 2001 ; 357 : 1743-1748.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature