L’ivabradine est une molécule dont l’effet principal est la diminution de la fréquence cardiaque lorsque le rythme cardiaque est sinusal. Dans la prévention des crises d’angor, cette molécule a une indication : c’est donc un traitement des symptômes de l’angor et non de la maladie coronaire asymptomatique.
Dans la maladie coronaire avec altération de la fréquence cardiaque (fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 40 %), l’ivabradine a été évaluée contre placebo dans un essai thérapeutique contrôlé, l’étude BEAUTIFUL. En considérant l’ensemble des 10 917 patients inclus, l’étude n’a pas montré de bénéfice du traitement (risque relatif : 1,00 ; IC 95 % : 0,91 – 1,10) sur le critère primaire évalué (mortalité cardiovasculaire, hospitalisations pour infarctus du myocarde aigu et hospitalisations pour apparition ou aggravation d’une insuffisance cardiaque).
Dans un sous-groupe et en considérant un critère secondaire, il a été suggéré un bénéfice possible du traitement : chez les patients dont la fréquence cardiaque initiale était supérieure à 70 battements par minute (bpm) il a été constaté une réduction relative de 36 % du risque d’infarctus du myocarde et une réduction relative du risque de 30 % de revascularisation coronaire.
Une telle constatation (critère secondaire, sous-groupe) ne peut être considérée comme fiable mais comme générant une hypothèse qui doit être évaluée.
L’étude SIGNIFY
Cette étude a été un essai thérapeutique contrôlé, multicentrique, international, conduit en double aveugle contre placebo. Elle se distingue de l’étude BEAUTIFUL par un plus grand nombre de patients inclus (19 102), sans altération de fonction cardiaque (FEVG supérieure à 40 %), une fréquence cardiaque initiale supérieure à 70 bpm, un critère primaire différent (décès CV et infarctus du myocarde non fatals), une fréquence cardiaque cible sous traitement entre 55 et 60 bpm et la possibilité d’augmenter les doses d’ivabradine jusqu’à 10 mg deux fois par jour (versus 5 à 7,5 mg deux fois par jour dans l’étude BEAUTIFUL).
Tous les patients inclus dans l’étude étaient en moyenne âgés de 65 ans, avaient une fréquence cardiaque initiale à 77 bpm et 83 % recevaient des bêtabloquants. En moyenne, la fréquence cardiaque a été réduite de 9,7 bpm sous ivabradine par rapport au placebo.
Au terme d’un suivi moyen de 27,8 mois, il n’y a pas eu de différence dans l’incidence des événements du critère primaire dans l’ensemble de la population enrôlée (654 événements dans le groupe ivabradine, 611 dans le groupe placebo, RR : 1,08 ; IC 95 % : 0,96-1,20 ; p = 0,20). Mais il y a eu une augmentation significative de ces événements dans le sous-groupe des 12 049 patients ayant un angor à l’inclusion soit 459 événements dans le groupe sous ivabradine et 390 dans le groupe sous placebo (RR : 1,18 ; IC 95 % : 1,03-1,35).
En termes de tolérance, sous ivabradine, par rapport au placebo, il y a eu plus de bradycardie symptomatique (7,0 versus 1,2 % ; p‹0,001), plus de troubles de la vision (5,4 versus 0,5 % ; p‹0,001) et plus de fibrillation atriale (5,3 versus 3,8 % ; p‹0,001).
L’étude SIGNIFY confirme les résultats de l’étude BEAUTIFUL : l’ivabradine et/ou la diminution de la fréquence cardiaque ne modifient pas le pronostic de la maladie coronaire, qu’il y ait ou pas altération de la fonction cardiaque.
La fréquence cardiaque n’est donc pas un facteur de risque de la maladie coronaire et ne devrait pas en constituer une cible thérapeutique.
Situation complexe pour l’ivrabadine
Dans une première étude, l’essai BEAUTIFUL, un effet bénéfique a été suggéré par une analyse en sous-groupe (comprenant 5 392 patients) dans lequel sont survenus 216 événements d’un critère secondaire, mais ce type d’analyse ne peut que générer une hypothèse et ne doit pas être considérée comme fiable.
Dans une seconde étude, l’étude SIGNIFY, un effet néfaste a été suggéré par une analyse en sous-groupe (comprenant 12 049 patients) dans lequel sont survenus 849 événements du critère primaire. De même, si la puissance des résultats de cette analyse en sous-groupe et la probabilité que cet effet soit réel est plus importante, il s’agit d’une analyse en sous-groupe.
Dans la maladie coronaire, il peut donc être conclu que l’ivabradine prévient les crises d’angor, mais ne modifie pas le pronostic de la maladie coronaire et pourrait aggraver celui des patients ayant un angor.
Depuis juin 2014, la prescription de l’ivabradine dans la maladie coronaire est encadrée par un avis de l’ANSM dans l’attente de la réévaluation des indications par l’Agence européenne du médicament (voir encadré).
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