C'est un fait : depuis l'application de la loi sur les droits des malades du 4 mars 2002, les primes d'assurance en responsabilité civile des cliniques et des médecins ont grimpé de façon inconsidérée, obligeant les professionnels de l'hospitalisation privée à s'adresser au GTAM (Groupement temporaire d'assurance-médicale).
Conséquence : l'AGRIM (Association de gestion du risque médical) a décidé de mettre en place une mutuelle d'assurance professionnelle. Cette mutuelle s'adresserait aux acteurs de l'hospitalisation privée (établissements et praticiens) et chercherait à revenir à « une tarification acceptable et des garanties solides ». « Nous nous trouvons actuellement dans un cul-de-sac », expliquait hier le Dr Serge Larüe-Charlus, président de l'AGRIM, dans nos colonnes. L'hospitalisation privée qui devient son propre assureur, cela reviendrait à s'inspirer de la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), mise en place en 1928, et qui assure aujourd'hui 60 % des hôpitaux publics (elle a récupéré quelques établissements privés depuis l'été dernier).
« Je ne peux qu'encourager cette démarche », déclare le Dr Jean-François Rey, président de l'UMESPE, la branche spécialistes de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). « L'ensemble des praticiens libéraux doit tenter de pérenniser l'assurance. Mais je crois qu'il faut surtout alerter les patients sur les risques du processus à l'américaine de recours juridiques à outrance vers lequel nous nous dirigeons à grands pas. Il faut raison garder. Si les plaintes des patients augmentent, il faudra fatalement augmenter les honoraires, et surtout chez les 4-5 spécialités surexposées. » Bref, au 31 décembre, la proposition de l'AGRIM pourra être une « solution technique » envisageable pour le D Rey.
Attendre que le marché « se réveille »
Pour le Dr Max Ponseillé, président de la FPH (Fédération de l'hospitalisation privée), la proposition de l'AGRIM représente « une bonne réflexion pour la médecine ». « Nous aussi sommes à l'étude actuellement. Nous pouvons d'ores et déjà avancer que 500 à 600 établissements qui sont aujourd'hui assurés par le GTAM seraient intéressés par une mutuelle professionnelle. Nous explorons donc nous aussi la voie de la mutuelle et nous ne serions pas du tout opposés à une solution commune. »
Pierre Florin, président du GTAM, dit ne pas être hostile à la création d'une telle mutuelle, « à condition toutefois que les règles du jeu soient les mêmes ». Autrement dit, que cette mutuelle ne soit pas subventionnée par l'Etat. « Nous visons le même but : d'abord, assurer les médecins libéraux, ensuite, faire en sorte que les primes d'assurances ne soient pas disproportionnées vis-à-vis de leurs ressources. Donc, pourquoi pas une mutuelle professionnelle ? Mais l'AGRIM se heurtera aux mêmes problèmes que nous. Si son objectif est de réduire les primes, je ne suis pas sûr qu'elle parvienne à faire mieux que nous. »
D'ici à l'expiration du GTAM, une solution devra bien émerger. Chacun semble donc réfléchir de son côté sur une solution post-31 décembre 2003. « Nos propositions ne sont pas concurrentielles », assure le Dr Ponseillé. « Je ne crois pas en revanche qu'il soit de l'intérêt des médecins d'être assurés par le même assureur que celui de leur établissement. » Le Dr Ponseillé semble attendre pour l'instant que le marché « se réveille ».« Bien sûr, nous préférerions que les assureurs fassent leur travail ; mais, si le marché de l'assurance n'évolue pas ou bien s'il évolue dans le mauvais sens, nous devrons être en mesure de proposer nous-mêmes une alternative. »
Les compagnies d'assurance se penchent sur ce problème avec attention, tente de rassurer Pierre Florin. Si c'est le cas, elles devront de toute façon se prononcer avant l'été. « Si l'AGRIM avance dans sa réflexion et si elle le souhaite, nous sommes prêts à discuter avec elle », souligne le président du GTAM.
Michel Dupuydauby, directeur général de la MACSF (Mutuelle d'assurance du corps de santé français), la principale assurance individuelle des praticiens français, semble attendre avec un amusement non dissimulé les tarifs que proposera l'AGRIM. « Nous sommes dans le même rapport politique qui peut exister entre l'opposition et le parti qui gouverne. Il est facile de critiquer, il est plus difficile de faire mieux une fois qu'on est au pouvoir. Il faudra bien que l'AGRIM se rende compte que le risque médical est lourd et qu'elle devra appeler des primes. » La MACSF assure moins de 20 % des spécialistes dits à risque et elle a augmenté leurs primes du même pourcentage en 2003. « Je ne pense pas que cette hausse soit "intolérable" », remarque Michel Dupuydauby. « Nous assurons très peu de ces spécialités à risque. Donc, je serai plutôt satisfait de voir une compagnie d'assurance qui leur soit dédiée ».
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