La santé, première victime de la pollution de l’air

Respirez, c’est pollué !

Publié le 13/06/2006
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GRAND BEAU temps sur Paris. Un ciel d’azur au-dessus de la capitale inondée de soleil. L’idéal pour bronzer sur les quais de la Seine… et s’encrasser les poumons. Dès que le mercure monte, la pollution est à son comble. «Le beau temps est un danger. Pas en soi, bien sûr: il n’est que le révélateur de la pollution atmosphérique», constate Philippe Lameloise, directeur du réseau Airparif, qui surveille la qualité de l’air en Ile-de-France.

En trente ans, la sensibilisation à l’environnement et à l’écologie a gagné du terrain, surtout depuis la loi sur l’air en 1996. Des mesures d’envergure ont été prises : le plan Santé et Environnement mettra en place, jusqu’en 2008, quarante-cinq actions visant à garantir la qualité de l’eau et de l’air, notamment par l’adoption, prochainement, d’une loi sur les milieux aquatiques. Malgré ces mesures, la pollution est encore la cause de pathologies lourdes. «On estime le nombre de décès dûs à la pollution à 30000 par an. Un million de travailleurs seraient exposés à des substances cancérigènes», annonce Nelly Olin, ministre de l’Ecologie et du Développement durable. Si la corrélation entre certaines maladies et les facteurs environnementaux est encore hypothétique, «on a une masse d’informations scientifiques qui ne laissent plus de doute». A long terme, le cancer du poumon, les risques cardio-vasculaires, l’asthme et une sérieuse atteinte à l’espérance de vie. A court terme, la mortalité respiratoire ou cardio-vasculaire s’ajoute aux épisodes asthmatiques et à la fréquentation des services d’urgences. Publiée récemment, une étude allemande de Gehring et consorts enfonce le clou : «Vivre à cinquante mètres d’une voie de trafic important, où passent plus de mille véhicules par jour, c’est, sur le long terme, s’exposer à 70% de risques de mortalité supplémentaires», indique le Pr Denis Zmirou-Navier (université Poincaré, Nancy). En France, la cartographie des zones à risques n’est pas difficile à tracer : les aires fortement urbanisées, particulièrement l’Ile-de-France, responsable de 51 % des émissions d’oxyde d’azote, avec un pic en agglomération parisienne. L’exposition régulière et prolongée aux polluants, le CO2 en tête, induit des mécanismes organiques imparables : «La muqueuse respiratoire s’enflamme, libérant, du même coup, des médiateurs. Le résultat ne se fait pas attendre: c’est la thrombose et une augmentation de la viscosité sanguine», poursuit D. Zmirou-Navier.

Enfants en danger.

L’incidence sur les enfants est la pire. Le petit calibre de leurs bronches induit une répercussion plus néfaste des processus respiratoires. «Leur épithélium est immature de la naissance à l’âge de 4ans, souligne Lydia Nikasinovic (université René-Descartes, Paris). Soumis à des irritants, il s’amincit, augmentant sa perméabilité aux polluants.» Quant à leur système immunitaire, sa maturation ne se fait pas dans un sens favorable et s’oriente vers un profil d’enfant allergique.

On a beau montrer du doigt les grandes voies de trafic et les automobilistes – en 2000, la réglementation sur la baisse de la teneur en benzène avait eu des effets immédiats sur le seuil de pollution –, le vrai problème est davantage du côté des normes antipollution, trop lâches. Les valeurs plafond des particules très fines (PM 2,5, moins de 2,5 micromètres de diamètre) sont de 15 µg/m3 – «Mais y a-t-il un seul endroit en France qui dépasse cette limite?», lance, goguenard, D. Zmirou-Navier – contre les 10 recommandés par l’OMS. Le temps est venu d’une plus grande fermeté législative et pénale.

* Article 1er : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. »

> NICOLAS BAUCHE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7978