Le dispositif anti-Perruche, adopté en première lecture par l'Assemblée, « expose toujours à un risque élevé de mises en cause judiciaires » les médecins effectuant des dépistages de malformations foetales, estime le Dr Guy-Marie Cousin, président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens français (SYNGOF).
« L'alinéa 3 du texte retenu par les députés fait que nos inquiétudes demeurent », explique le Dr Cousin au « Quotidien ». « Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagé vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap d'une particulière gravité non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute lourde, stipule l'alinéa 3, les titulaires de l'autorité parentale peuvent demander une indemnité destinée à la personne handicapée, correspondant aux charges particulières découlant, tout au long de sa vie, de son handicap, déduction faite du montant des allocations et prestations, de quelque nature qu'elles soient, dont cette personne bénéficie au titre de la solidarité nationale ou de Sécurité sociale. Dans ce cas très précis, les organismes sociaux ne peuvent exercer de recours à l'encontre de l'auteur de la faute pour obtenir le remboursement des allocations et prestations versées. » (1)
« Cela va toujours dans le sens de la recherche d'une faute, commente le Dr Cousin. Par voie de conséquence, nos assurances ne risquent pas de revoir leurs tarifs à la baisse. Et les familles qui obtiendront satisfaction de la justice seront avantagées par rapport aux autres qui se contenteront de la solidarité sociale. »
Aussi , « puisque le Parlement reste dans le flou sur la « faute médicale », le SYNGOF, n'interrompt pas définitivement la grève des activités de diagnostic prénatal qu'il a lancée depuis le début du mois, mais la suspend jusqu'à la fin de la session parlementaire. Il espère faire passer son message à la représentation nationale d'ici au 22 février. Il saisit l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé pour qu'elle mette au point un « document sur les bonnes pratiques du diagnostic anténatal », un outil clé qui lèverait toutes les inquiétudes des spécialistes concernés.
Le Pr Israël Nisand, particulièrement actif dans le combat contre la jurisprudence Perruche, met fin personnellement à « un mouvement difficile, qui prend les femmes à partie ». Ses confrères du Collectif national pour la sauvegarde de l'accès à l'échographie et au diagnostic anténatal, créé par lui le 9 décembre « pour faire front », sont appelés à se prononcer pour la reprise. « Le gouvernement a fait un pas notable, estime le gynécologue-obstétricien strasbourgeois, en donnant satisfaction à deux demandes de nature éthique. D'une part, un handicapé congénital ne peut porter plainte du fait de sa naissance ; d'autre part, toute action récursoire des caisses est impossible à l'endroit d'un médecin condamné. Il reste, poursuit-il, un problème assurantiel et de principe (alinéa 3), mais pas suffisamment important de mon point de vue pour continuer la grève. Il importe, avant tout, d'améliorer les expertises médico-légales : c'est aux médecins eux-mêmes d'apporter, à ce niveau, leurs propres réponses. »
De son côté, l'Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales se félicite de la création (par décret) d'un « Observatoire de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées, chargé de présenter toutes les propositions nécessaires au Parlement et au gouvernement visant à (leur) prise en charge ». Le Collectif des démocrates handicapés, constitué en décembre 2000 pour représenter les quelque 5 millions de handicapés, réclame « un plan Marshall » (101 propositions aux candidats à la présidentielle) en faveur des accidentés de la vie.
(1) Le texte législatif ne s'applique pas aux deux affaires jugées. Il s'agit de Nicolas Perruche (17 novembre 2000), lourdement handicapé à la suite d'une rubéole non décelée chez sa mère, et de Lionel (28 novembre 2001), dont la trisomie aurait pu être détectée. Dans les deux cas, la cour d'appel de Paris, désignée par la Cour de cassation, n'a pas encore statué sur le montant du préjudice à allouer à l'enfant.
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