FLORIAN ZELLER aime le silence, les non-dits, les collisions de temps, les confusions d’espace. En quelques années, il a écrit des pièces qu’il a eu la chance de voir produites et jouées par de grands acteurs. Catherine Frot, Marine Delterme, Robin Renucci, Nicolas Vaude hier, pour n’en citer que quelques-uns, et aujourd’hui Catherine Hiegel. Pour « la Mère », qui joue sur les répétitions, les glissements, les redites, les versions différentes d’une même scène, de nombreux talents se sont ligués.
Un metteur en scène venu d’un univers beaucoup plus âpre que celui de Zeller – dans les apparences en tout cas –, Marcial Di Fonzo Bo, a pris en mains le texte. Il a même déplacé des scènes : avec l’accord de l’auteur. Il donne sa vision de l’histoire que raconte Zeller, mais il ne veut surtout pas prendre une direction plutôt qu’une autre. Dans un décor et des lumières très habiles d’Yves Bernard – qui a même transformé le rapport scène/salle du Petit Théâtre de Paris d’une manière très heureuse –, les personnages surgissent. Une femme, son mari, son fils, l’amie de ce dernier mais aussi d’autres figures. Quatre comédiens : Olivia Bonamy (pas gâtée par les costumes), Clément Sibony, très belle présence et justesse des intonations, Jean-Yves Chatelais, qui fait le mari un peu lâche, de « la mère ». Il est parfait.
Mais tout l’intérêt, ici, et c’est le propos même de Florian Zeller, c’est cette femme. Larguée. Son fils est parti, son mari la trompe. Elle n’a jamais aimé sa fille et le formule. Elle est malheureuse, paumée, jeune encore pourtant mais vieille déjà, elle est aimante mais méchante aussi, elle est touchante et elle est irritante, elle est la femme, la mère, Médée et Marie. Et puis une femme d’aujourd’hui.
Est-ce l’analyse clinique d’un cas de névrose, est-ce la quête de la vérité d’une femme brisée par la conjugalité ? Ici, ce qu’a écrit Florian Zeller (est-ce la réalité, est-ce la folie d’une femme ?), qui joue le vrai et faux, le doux et l’insoutenable, est sublimé par le jeu de Catherine Hiegel. Elle est renversante. Elle sait, sans effet, rendre toute la complexité et tout ce qu’a cette femme de déchirant et d’odieux en même temps. Avec rien. Qu’elle beurre une tartine, et c’est l’amour mythique d’une mère qui nous submerge… Regards, tressaillements, gestes, silences, mots suspendus, tout traduit l’écriture et le personnage. Superbe et passionnant car l’écriture tente de saisir l’indicible et la mise en scène tente de faire surgir silencieusement les forces qui traversent les êtres.
Petit Théâtre de Paris ( tél. 01.42.80.01.81) à 21 heures du mardi au samedi, en matinée le samedi à 18 heures et le dimanche à 16 heures. Durée 1 heure 20. Texte publié par « l’Avant-scène théâtre », n°1 291, 12 euros.
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