Le Généraliste : Les médecins libéraux sont-ils de près ou de loin concernés par la réforme des retraites annoncée la semaine dernière par le gouvernement ?
Dr Gérard Maudrux : Normalement non, car ils sont déjà régis par un régime par points infiniment plus facile à gérer que les régimes par annuités que le gouvernement tente de réformer actuellement en allongeant la durée de cotisation en trimestres ou en années. Le régime des médecins est beaucoup plus simple pour le cotisant qui sait combien il va toucher en fonction de la valeur du point. A l’inverse, dans le régime des salariés, personne ne sait vraiment ce qu’il percevra à sa retraite, puisqu’il n’existe pas de valeur du trimestre. Il y a un an environ, la question de l’instauration d’un système par points dans le régime général était encore évoquée dans les débats du Cor (conseil d’orientation sur les retraites), mais aujourd’hui il n’en est malheureusement plus question.
En théorie, les médecins ne sont pas non plus concernés par le report de l’âge légal de la retraite à 62 ans, puisque chez nous, c’est déjà 65 ans ; avec une petite nuance toutefois, puisqu’il est possible à un médecin de prendre sa retraite à partir de 60 ans, moyennant une décote. C’est un bon système, à la carte, mais attention, cela pourrait éventuellement changer dans la foulée de la réforme actuelle, puisque, nos tutelles songent à repousser de deux ans l’âge de la retraite à taux plein pour les médecins, ce qui le ferait passer à 67 ans. C’est un danger, qui serait une agression de plus de la part de fonctionnaires qui eux partent en retraite à 55 ans...
Les médecins sont-ils dans une situation démographique meilleure que le régime général ?
Dr GM : Oui, c’est vrai aujourd’hui, puisque nous sommes à un retraité pour trois cotisants, au lieu de un pour deux chez les salariés. Mais, pour l’avenir, c’est faux, puisque les régimes de toutes les professions vont tendre vers un équilibre de un pour un à l’horizon de 30 ou 35 ans. A la Carmf, nous serons peut-être à 1,1 cotisant pour un retraité, d’autres régimes à 0,9 pour 1, mais globalement, la situation sera la même pour tout le monde. Dans ce contexte, la culbute risque donc d’être plus forte pour nous, donc plus difficile à gérer, car nos rendements vont être divisés par trois dans les trois prochaines décennies, contre deux dans le régime général. Donc s’il est vrai que nous avons plus de moyens pour payer aujourd’hui, demain nous subirons une chute démographique plus forte.
Pourquoi le taux de remplacement des médecins retraités est-il deux fois moindre que celui dont bénéficie le salarié du régime général ?
Dr GM : Pour des raisons très simples. D’abord parce que le taux de cotisation dans le régime général est d’environ 26% (employeur + salarié) si l’on cumule le régime de base et les régimes AGIRC et ARCO, contre 19 à 20% chez les médecins. Ensuite, parce que les médecins cotisent trente ans en moyenne contre 40 ans dans le régime général. Si les médecins libéraux cotisaient pendant cette durée, leur retraite avoisinerait probablement 50 à 60% de leur revenu d’activité. De ce point de vue, heureusement que l’on cotise jusqu’à 65 ans à la Carmf, parce que les médecins qui font des études longues s’installent tard en libéral.
Où en est le régime ASV ? Et qu’en est-il de sa réforme ?
2009 a été la dernière année d’équilibre pour ce régime. En 2010, pour la première fois, les prestations ont été supérieures de 20 à 25% aux cotisations. Nous allons devoir puiser quatre mois de réserves cette année, puis dans quatre à cinq mois l’année suivante. Et le régime sera en cessation de paiement en 2013. C’est à cet horizon qu’il y aura une réforme. Pas avant la présidentielle, car les pouvoirs publics se souviennent du Plan Juppé et n’ont aucune envie de se fâcher avec les médecins. Tant pis, ça nous coûtera un peu plus cher. Il est probable que ce soit la réforme IGAS qui soit retenue : maintient du régime avec baisse d’au moins 50% des retraites, et augmentation minimum 50% de la cotisation.Le maintien de ce régime qui a toujours été très mal géré me semble une escroquerie. Je continue de plaider pour sa suppression avec maintien des droits acquis et donc fermeture progressive de ce régime. Ce qui permettrait aux médecins de cotiser davantage sur le régime complémentaire et sur des régimes facultatifs de type Capimed, pour conserver la même retraite globale.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature