Réponse au Dr Gilles Seban

Publié le 21/01/2013
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Paris (75)

Pr Claude-François Degos*

Ceci est une réponse à la lettre du Dr Gilles Seban, publiée le 7 janvier dernier par « le Quotidien du Médecin ».

Devant tant de mauvaise foi ou d’inexactitudes, rester sans réponse laisserait supposer qu’on se désintéresse (seuls dans leur tour d’argent), qu’on n’attache aucune importance (« les chiens aboient, la caravane passe ») ou qu’on est inhibés par une certaine gêne devant des allégations qui pourraient avoir un côté vrai.

Loin de la mépriser, Cher Confrère, je veux répondre à votre lettre. Elle reflète une acrimonie que je voudrais apaiser et surtout elle emploie des arguments que je me fais un devoir de réfuter.

L’Ordre n’est pas un produit vichyste. Combien de fois faudra-t-il répéter l’historique que seuls les incompétents ou les partisans ressassent à l’envi malgré les faits prouvés, les documents irréfutables, les dires et les écrits des historiens.

Rapidement. En 1845, à l’occasion du Congrès médical, la profession a jeté les bases d’une organisation professionnelle des médecins, qu’elle voyait syndicale beaucoup plus qu’éthique et déontologique. Après une éclipse « émaillée de tergiversations avec des avancées et des reculs », on attendra 1935 pour que le Parlement vote favorablement son institution. Cependant, il est vrai, et de là vient votre animosité, le régime pétainiste, alors qu’il structurait les corporations par métiers, l’a confortée en 1940 en lui donnant l’appellation de Conseil Supérieur de l’Ordre des Médecins.

Dès octobre 1943, le Gouvernement provisoire de de Gaulle à Alger s’est empressé de dissoudre cette instance.

Devant les nécessités, le 24 septembre 1945, le gouvernement gaulliste et son ministre communiste François Billioux ont créé l’Ordre des Médecins tel qu’on le connaît aujourd’hui en lui reconnaissant à la fois un rôle déontologique et une fonction disciplinaire tout en supprimant l’aspect syndical.

Voilà pour le premier argument.

Inutile et vain, avez-vous dit ? Si c’était le cas, son existence, un moment discutée par les promesses du candidat Mitterrand, aurait été remise en cause depuis. À l’inverse, son utilité administrative comme disciplinaire a servi d’exemple pour la création récente d’autres Ordres en Santé (Ordres des Masseurs-kinésithérapeutes, 2004 ; des Infirmiers, 2006).

En ce qui concerne son action, vos reproches témoignent d’une méconnaissance des missions de l’Ordre.

Il n’est pas du ressort de l’Ordre de s’occuper des « droits des médecins ».

Oui ! Nous défendons la médecine et non les médecins car les syndicats sont là pour cela.

Défendre la médecine, c’est défendre la déontologie qui découle de l’éthique. C’est organiser, garantir, certifier la qualité des soins, c’est aussi suspendre l’activité de médecins dont l’exercice serait dangereux, c’est encore, plutôt que de punir les exactions, prévenir la mise en jeu de la santé du public grâce à un Code de Déontologie, qui loin d’être « poussiéreux et ridicule » est sans cesse mis à jour pour suivre les évolutions de la médecine et de la société.

Quant à la légitimité de ce texte, que vous contestez, elle apparaît clairement depuis que le législateur l’a intégré dans le Code de Santé Publique et, à ce titre, il a force de Loi.

« Coûteux », enfin. Il n’est que de comparer les cotisations dans les autres Ordres (avocats, architectes, experts-comptables) en leur soustrayant l’adhésion couplée à l’assurance professionnelle que certains exigent. Chiche !

Il ne m’est certes pas plus agréable à moi qu’à vous de régler chaque année ma cotisation.

Non, vraiment, nous n’avons pas à rougir d’avoir un Ordre et celui-ci peut être fier de son action au service de la santé publique et des malades.

* Président du Conseil régional Ile-de-France de l’Ordre des Médecins


Source : Le Quotidien du Médecin: 9211