De notre correspondante
à New York
Le génome de tous les organismes est constamment soumis à de nombreuses agressions chimiques et physiques qui endommagent l'ADN et, par voie de conséquence, menacent l'intégrité du message génétique.
De nombreux mécanismes de réparation sont normalement chargés de supprimer ces dégâts avant que la réplication ne les fixe définitivement dans la descendance cellulaire sous forme de mutations génétiques, la principale cause à l'origine des cancers.
Il arrive cependant que la réplication du matériel génétique s'enclenche avant que tous les dommages de l'ADN n'aient été réparés. Des ADN polymérases spécialisées viennent alors à la rescousse et remplacent transitoirement les polymérases réplicatives de la machinerie cellulaire de réplication afin de recopier l'ADN endommagé.
Vincent Pages et Robert Fuchs, du CNRS de Strasbourg (cancérogenèse et mutagenèse moléculaire et structurale, U 9003), ont observé en temps réel ce qui se passe lorsque la machinerie réplicative rencontre une telle lésion.
La surveillance de chacun des deux brins d'ADN
« Jusqu'ici, toutes les études in vivo portaient sur des lésions aléatoires de l'ADN, ce qui empêchait d'analyser la fine structure d'une fourchette de réplication bloquée », notent les chercheurs dans « Science ».
Les Français ont mis en pratique une stratégie qui leur permet de surveiller, séparément in vivo, la cinétique de synthèse des deux brins d'ADN. Cette stratégie est la suivante. Ils ont construit une molécule d'ADN portant un dommage induit par un cancérogène chimique, introduit cette construction (ADN plasmidique) dans une cellule de Escherichia coli, et analysé les intermédiaires de réplication en fonction du temps. « De façon tout à fait surprenante, on peut voir le blocage de l'ADN polymérase réplicative au niveau du nucléotide endommagé », note le Dr Fuchs dans un communiqué.
Malgré le blocage de réplication dans un des deux brins d'ADN, la synthèse de l'autre brin se poursuit, ce qui crée un découplage transitoire de la synthèse simultanée des deux brins.
Le déblocage de la fourche de réplication
Après une durée de blocage de l'ordre de 50 minutes, la réplication reprend son cours. Les chercheurs ont pu montrer que le « déblocage » de la fourche de réplication nécessite l'intervention d'ADN polymérases spécialisées récemment découvertes. Après intervention de ces polymérases spécialisées dans le recopiage de l'ADN endommagé (polymérases de synthèse translésion, ou polymérase TLS), la machinerie réplicative reprend sa place afin d'achever la duplication du matériel génétique.
« On peut remarquer que la cellule "paye au prix fort" la duplication de son matériel génétique en acceptant l'induction de mutations qui résultent de l'intervention de ces polymérases spécialisées », note dans un communiqué le Dr Fuchs. « L'étude de ces ADN polymérases spécialisées constitue actuellement un enjeu majeur car elles représentent potentiellement de nouvelles cibles pharmacologiques. »
Leur stratégie, selon les deux chercheurs, « sera utile pour dévoiler la biochimie complexe des diverses voies de synthèse translésion in vivo , apportant ainsi un complément puissant aux approches in vitro ».
« Science » du 23 mai 2003, p. 1300.
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