C'EST EN 2003 que le plan Cancer a été lancé par le président Jacques Chirac qui en a confié le pilotage à l'Institut national du cancer (INCa). «Ce plan a été un tournant parce qu'il a rencontré une adhésion réelle des professionnels et des patients», souligne le Pr Jean Lacau Saint Guily, en relevant que ce plan a permis d'incontestables avancées, notamment la généralisation des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) avec l'objectif que le dossier de chaque patient fasse l'objet d'une discussion collective. «Il s'agit certainement d'une des plus grandes réussites du plan Cancer. Aujourd'hui, le nombre de patients dont le dossier passe en RCP ne cesse d'augmenter et la France a pu rattraper le retard important qui était le sien dans ce domaine. Il s'agit donc d'une évolution très positive même si ces RCP ne doivent pas faire oublier la dimension individuelle de la relation médecin-malade et l'importance pour ce dernier d'avoir un praticien référent de confiance, bien identifié», souligne le Pr Lacau Saint Guily.
Celui-ci se félicite aussi de la généralisation du dispositif d'annonce, qui vise à annoncer le diagnostic dans les meilleures conditions possibles en mettant en place, dès le départ, un dispositif de soutien et d'information renforcée du patient. «Au début, certains médecins se sont dit que cela allait peut-être les priver de ce moment essentiel que constituent l'annonce du diagnostic et l'engagement de la prise en charge. Mais, aujourd'hui, ils ont compris que le médecin reste la clé de voûte du dispositif, mais qu'il peut s'appuyer sur le relais essentiel des infirmières qui vont pouvoir répondre à toutes les questions que peut se poser le patient», constate le Pr Lacau Saint Guily.
Dans le plan Cancer, il est prévu, dès cette phase de l'annonce, la remise au patient d'un plan personnalisé de soins (PPS). «C'est peut-être une des mesures sur lesquelles on a le moins avancé. En pratique, c'est un peu compliqué de délivrer à un stade précoce une sorte de feuille de route, validée par la RCP. En effet, pour certains cancers, on ne peut pas toujours établir avec certitude le programme de soins, dans la mesure où il peut évoluer au fil du temps», indique le Pr Lacau Saint Guily.
Mais, une des mesures les plus importantes du plan Cancer reste la mise en place d'un agrément pour les établissements de santé à partir de différents critères, en particulier un seuil minimal d'activité. «Au départ, tout le monde était d'accord pour dire qu'une activité minimale est indispensable pour faire correctement de la chirurgie cancérologique. Ensuite, évidemment, toute la question était de savoir où mettre le curseur. La fixation des seuils a fait l'objet de multiples discussions. Les grosses structures plaidaient pour des seuils relativement élevés, tandis que les praticiens isolés souhaitaient qu'ils ne soient pas trop drastiques», explique le Pr Lacau Saint Guily, qui a participé à ces discussions à l'INCA en tant que représentant de la Société française d'oto-rhino-laryngologie (SFORL).
Finalement, le seuil retenu est de 20 chirurgies cancérologiques par an et par établissement de santé. «C'est un seuil relativement bas, mais on estime quand même que 60% des établissements en France, qui font aujourd'hui de l'ORL, seraient en dessous du seuil et ne devraient donc théoriquement plus avoir le droit de faire de la chirurgie cancérologique», note le Pr Lacau Saint Guily, en ajoutant que la décision d'agréer ou non les établissements sera rendue par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH).
L'éternel débat.
La conséquence est qu'un certain nombre de zones géographiques du territoire pourraient se retrouver sans un seul site habilité à faire de la chirurgie cancérologique. «Cela pose à nouveau l'éternel débat entre prise en charge de proximité et prise en charge optimale. Pour bénéficier de la technologie adaptée et de la compétence médicale, il est évident que certains patients vont devoir faire 100 ou 200kilomètres pour être pris en charge. Cela pose d'abord le problème du transport médical, qui n'est pas forcément simple à gérer sur un plan organisationnel et financier. Mais cela oblige aussi à s'interroger sur le suivi postopératoire. Si un patient, une fois de retour chez lui, a un souci, le risque est qu'on lui dise:“Monsieur, vous avez choisi d'aller vous faire opérer à Paris, à Lyon ou à Marseille, eh bien, retournez-y.” »
Pour le Pr Lacau Saint Guily, cette réorganisation des soins, engagée avec le plan Cancer, invite donc à repenser la question du rôle des réseaux de soins. «Aujourd'hui, les réseaux de proximité se mettent en place, et c'est une très bonne chose pour assurer la continuité entre l'hôpital et la ville, notamment dans un contexte de réduction des durées d'hospitalisation et d'externalisation croissante de nombreux soins. Cela répond à un besoin et à une demande des professionnels de ville. C'est un sujet sur lequel il y a encore beaucoup à faire pour assurer la continuité des soins. Outre la dimension de proximité, il faut y ajouter la dimension interrégionale.»
D'après un entretien avec le Pr Jean Lacau Saint Guily (hôpital Tenon, Paris), président de la Commission cancer de l'AP-HP.
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