EN 1999, les praticiens du centre médical de la Bourse (CMB) ont vu avec surprise les salariés arriver dans la salle d'attente avec leur panier-repas pour ne pas perdre de temps. Un changement pour ce quartier central de Paris : les boursiers avaient leurs habitudes dans une célèbre brasserie, les collègues de travail se retrouvaient dans divers restaurants, y compris les restaurants d'entreprise (les cantines).
Les Drs Claudine Offenstadt et Frédérique Rosenfeld (Inserm) ont voulu étudier, au CMB, les modifications de ce repas de midi et leur retentissement sur la santé du travailleur. Pour ce faire, un sondage anonyme a été réalisé auprès de 228 salariés.
Parmi ceux (104) qui, au début de l'enquête, travaillaient plus de 35 heures, 45 déjeunaient en moins de 45 minutes, dont 35 à leur poste de travail. Plus de la moitié (29) présentaient un ou plusieurs troubles pouvant être liés à ce repas rapide : ballonnements abdominaux (18), douleurs abdominales (9), constipation (4), infections urinaires (2), diarrhées (2), hypercholestérolémie (2). Ce type de troubles est beaucoup moins fréquent chez les 59 salariés de ce groupe qui déjeunent en plus de 45 minutes : 9 se plaignent de ballonnements, 4 de constipation et 3 de douleurs abdominales, mais aucun d'infection urinaire, de diarrhée ou d'hypercholestérolémie.
Mêmes différences chez les 124 salariés bénéficiant des 35 heures. Plus de la moitié (58,33 %) de ceux qui prennent moins de trois quarts d'heure pour déjeuner ont des troubles (13 des ballonnements, 3 une constipation, 4 des douleurs abdominales, 2 une hypercholestérolémie) alors que ceux, plus nombreux (88), qui déjeunent en plus de trois quarts d'heure ne sont que 23,86 % à en souffrir (23 des ballonnements, 7 une constipation, 5 des douleurs abdominales, 2 une diarrhée, 11 une hypercholestérolémie).
Peu de petits plaisirs.
Ces résultats sont « accablants » pour les repas pris trop rapidement, disent les auteurs de l'étude. Des repas d'autant plus néfastes qu'ils sont souvent peu diététiques et ne s'accompagnent d'aucune boisson. Sandwich, plats de traiteur sont au menu de ceux qui mangent en moins de 45 minutes, 5 seulement utilisant la restauration traditionnelle. Plus de 43 % des 228 personnes interrogées consomment régulièrement des sandwiches : 56 % de ceux qui mangent en moins de 45 minutes, 38 % des autres. Les troubles, résument les deux médecins, peuvent être liés à un temps réel de repas souvent inférieur à 30 minutes. Dans le groupe des 35 heures, les repas plus longs sont ceux de salariés à horaires variables qui ont souvent des postes de responsabilités et des repas d'affaire.
L'enquête s'est aussi intéressée aux « petits plaisirs » que s'accordent ou non les salariés lors de la pause de midi. Ils sont rares et sédentaires (lecture, recherche sur Internet...) pour ceux qui s'arrêtent de travailler pendant moins de 45 minutes. Ils sont un peu plus fréquents et plus actifs (balade, gymnastique, magasins...) chez les autres : 19 salariés à plus de 35 heures et 11 chez les bénéficiaires des 35 heures en font état. Les évolutions, en raccourcissant le temps de pause, ont des conséquences pour l'alimentation, mais privent aussi de temps pour établir du lien social et pratiquer des activités qui n'appartiennent qu'à soi et pourraient constituer une soupape aux pressions professionnelles, voire familiales, conclut l'étude.
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