B.Haveman, excellente dans le rôle titre(dr)
ON RETROUVE avec bonheur le Théâtre du Capitole après son second lifting (la salle et le bâtiment avaient été refaits à neuf en 1996). Cette fois, c'est la machinerie qui a été mise à jour de la technologie la plus moderne, le plafond surélevé et le plateau abaissé de quelques centimètres, permettant une amélioration de la perspective. Les coulisses aussi ont été réaménagées et modernisées. Bref, un de nos meilleurs théâtres français remis quasiment à neuf !
Pour fêter dignement cette réouverture, Nicolas Joel, directeur artistique du théâtre, a choisi de mettre en scène pour la première fois à Toulouse « Jenufa », troisième opéra du compositeur morave Leos Janacek dont on fête cette année le cent cinquantenaire de la naissance et son premier triomphe public. La carrière internationale de l'œuvre, depuis sa création à Brno en 1904 il y a juste cent ans, n'en a pas démenti le succès, cet opéra majeur du XXe siècle s'étant imposé au répertoire de toutes les grandes compagnies et festivals d'opéras du monde.
Le sang et les larmes ont nourri la genèse de « Jenufa », la fille de Janacek étant morte après une longue agonie, pendant la composition de ce drame villageois, reflet de la misère d'un peuple soumis à la rigueur morale.
Une fille mère s'y voit dépossédée de son bébé, noyé par sa belle-mère soucieuse de respectabilité et désirant la marier coûte que coûte avec un autre homme, le père de l'enfant l'ayant lâchement abandonnée. Drame de la vie paysanne ordinaire d'un autre siècle, mais l'écriture vocale de Janacek, nourrie des mélodies populaires du peuple morave, ne tire jamais l'œuvre vers le vérisme, mais vraiment vers une lecture psychologique terriblement prenante et émouvante.
Ce superbe opéra exige des voix de tout premier plan et, notamment pour le rôle-titre, un soprano à la voix claire et possédant un charme dramatique fait de pureté, de simplicité et d'humanité, plus reflet d'une âme que d'un tempérament. Toutes ces qualités sont réunies chez la Néerlandaise Barbara Haveman, qui chante Jenufa pour la première fois. Très crédible physiquement et dramatiquement, elle captive de bout en bout, faisant évoluer son personnage tout au long du drame jusqu'au pardon final.
Même émotion chez Laca, son amoureux, qu'elle épouse par dépit mais finit par aimer d'une forme d'amour supérieur, avec le ténor finlandais Jorma Silvasti, voix de format wagnérien magnifiquement timbrée. Ce n'est pas le cas de son demi-frère Steva, père de l'enfant sacrifié, chanté très nasalement par l'Américain Kevin Anderson. Pour les rôles plus « âgés » on avait fait appel à la grande Helga Dernesch, très convaincante dans la Grand-mère Buryja, et pour celui, très important, de La Sacristine, la belle-mère infanticide, au soprano allemand Hildegard Behrens. Beaucoup de rôles wagnériens ont coulé dans cette voix, depuis la cristalline Salomé de ses débuts à Salzburg en 1977 avec Herbert von Karajan. La voix reste certes d'une belle tenue dramatique, indispensable à ce rôle noir et de caractère. Mais il est difficile de prendre plaisir à l'écouter toute une soirée dans son état de fatigue vocal actuel.
Sans vraiment couvrir le plateau, le chef tchèque Jir[146] Kout n'a pas su trouver d'emblée l'équilibre dans la salle naturellement sonore du Capitole. Sa direction est soignée et l'Orchestre du Capitole a des instrumentistes dont la beauté de timbre convient à merveille à la grande richesse harmonique de la partition. C'est simplement un équilibre qui ne se trouvait pas et un fondu orchestral qui s'organisera, on n'en doute pas, au cours des représentations.
Pour réaliser cette production, Nicolas Joel a fait appel au couple italien Ezio Frigerio et Franca Squarciapino, avec qui il a travaillé notamment sur la « Tétralogie », que ce théâtre possède à son répertoire. C'est garantir une beauté plastique, un chic à l'italienne qui sont la signature de ces excellents plasticiens. La magistrale roue du moulin, l'espace unique dans lequel se déroule le drame délimité par d'impeccables rochers noirs laqués, sont trop grandioses et ouverts pour une pièce si intimiste où la pression sociale doit se faire sentir dans des espaces clos. D'autant que Nicolas Joel a dirigé ses acteurs dans ce sens, dans un respect total de l'atmosphère de ce drame. Malgré les superbes éclairages de Vincio Cheli, cernant constamment l'espace intime de chaque chanteur, l'ensemble perdait un peu de sa concentration dans cet environnement entièrement en noir et blanc et trop monumental. Une soirée de théâtre magnifique cependant, à la hauteur de l'événement.
Théâtre du Capitole (05.61.63.13.13). Prochain spectacle : Hommage à George Balanchine, par le Ballet du Capitole, direction musicale Fayçal Karoui, les 28, 29, 30 et 31 octobre.
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