O N sait que l'organisation corticale se modifie après une déprivation sensorielle. Le système moteur fait preuve d'une plasticité importante. Chez les amputés d'un membre, la représentation des muscles encore présents s'étend et prend place dans les régions du cortex sensori-moteur antérieurement dédiées au segment amputé. Dans un travail publié par « Nature Neuroscience », Pascal Giraux et coll. ont examiné la dynamique de la réorganisation qui se produit au niveau du cortex moteur après la greffe d'un membre, en utilisant l'IRM fonctionnelle.
Chez le patient concerné, la transplantation des mains a été réalisée après vérification à l'avant-bras des muscles correspondants à la flexion et à l'extension des doigts.
Chez ce transplanté des deux mains, on a réalisé des IRM fonctionnelles six mois avant la greffe bilatérale des mains, puis à plusieurs reprises après (à deux, quatre et six mois).
IRM fonctionnelle
On lui a demandé d'exécuter des tâches précises : d'abord une flexion-extension des quatre derniers doigts de la main droite ; ensuite, une flexion-extension du coude droit ; puis les mêmes séquences de gestes effectués à gauche.
Avant la transplantation, la simulation » des mouvements des doigts (droits ou gauches) manquants - simulation réalisée en palpant la musculature extrinsèque correspondante à l'avant-bras -, active une large part de la région latérale de l'aire corticale affectée aux mains. Six mois après, la représentation des mains s'étend vers le centre pour occuper entièrement l'aire. Les sites latéraux deviennent moins actifs après la greffe.
Les activations par les mouvements des coudes évoluent en parallèle à celles des mains. Avant l'intervention, les mouvements des coudes se projettent dans une région centrale correspondant à la cartographie des mains. Six mois après, les activations ont migré vers une région classiquement dévolue au bras.
Les mains greffées reconnues et activées par le cerveau
Les résultats montrent que les mains greffées finissent par être reconnues et normalement activées par le cortex sensori-moteur. Ce qui suggère l'existence de nouvelles connexions périphériques qui ont produit un remodelage global de la projection corticale du membre, avec une réversion de la réorganisation fonctionnelle induite par l'amputation. Il se produit un déplacement de l'activité corticale, du latéral vers le médian, le long de la circonvolution frontale ascendante. Le déplacement est le même dans le temps et dans l'espace pour la main et pour le coude. En suivant la trajectoire des activations, on constate que la réorganisation corticale se produit de manière ordonnée : les représentations des mains et des bras tendent à retrouver leur position corticale initiale. La plasticité cérébrale se traduit en référence au schéma préétabli de la représentation somatique du corps antérieure à l'amputation.
Selon quels mécanismes la réversibilité du schéma cortical a-t-elle lieu ? Chez les singes amputés, certains motoneurones efférents préservent leur efficacité fonctionnelle en s'affectant à de nouveaux muscles. On peut facilement se figurer que, des neurones des voies centrales survivant après section, les circuits sensori-moteurs se trouvent prêts à fonctionner après une greffe. Ce qui peut expliquer pourquoi des modifications sont observées deux mois après l'intervention.
Les modifications au sein de l'aire de projection apparaissent comme le résultat d'un changement de la force du signal des activations parmi les connexions qui existent.
Pascal Giraux et coll. « Nature Neuroscience », vol. 4, n° 7, juillet 2001, pp. 691-692.
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