L'UNIVERSITÉ JULES-VERNE d'Amiens ne se compose pas que de poètes. Sa faculté de médecine assiste, comme à chaque rentrée de première année de médecine et comme dans tous les UFR de médecine de l'Hexagone, aux mêmes scènes. Les « carrés », les redoublants, qui se réservent les meilleures places dans l'amphithéâtre principal, inscrivent sur le tableau des messages d'intimidation à destination des primants, perturbent les cours… Ce cérémonial a-t-il dépassé les limites de la décence à Amiens ? Les spéculations allaient bon train la semaine dernière après un article du « Courrier picard » et plusieurs reportages diffusés sur RTL.
Reposant sur le témoignage de la mère d'un étudiant, un premier papier décrivait des bousculades pour assister aux cours, des redoublants qui imposent leur loi, des cours vendus 15 euros entre carabins, des étudiants qui simulent des positions sexuelles sur le bureau du professeur, un jeune homme qui effectue la « danse du Limousin » au début de chaque cours et qui termine en caleçon devant l'amphi…À la radio, une étudiante faisait état d'une sélection des étudiants à l'entrée de l'amphi principal. Elle évoquait l'élection attendue l'après-midi même de la miss P.O., pour « pu… officielle », qui, une fois élue, doit simuler des actes sexuels, comme lécher une banane… «Jamais personne n'est forcé à faire quelque chose dont il n'a pas envie, commente Ottilie Fumery, secrétaire de la corporation d'étudiants en médecine d'Amiens (CMA). Il n'y a pas d'intimidation, il y a une ambiance de provoc' de la part des carrés, mais pas d'insulte, personne n'est frappé. Des gens ont été choqués par le folklore carabin, mais quand on ne l'aime pas, on peut toujours l'éviter.» Les étudiants de la faculté sont très surpris des proportions prises par cette histoire. «Les actes relatés dans la presse ne relèvent en aucun cas de bizutage, mais bien d'initiatives individuelles malheureuses et de mauvais goût, initiées et réalisées par les participants, de leur propre chef», assure la CMA.
Valérie Pécresse lance une enquête.
L'affaire a été l'objet d'un incroyable emballement médiatique. Après les premiers reportages, la ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, a immédiatement diligenté une enquête auprès du recteur d'Académie d'Amiens. Selon des premiers éléments, «des manifestations de mauvais goût auraient eu lieu, ce qu'on appelle communément le folklore carabin», a indiqué à l'AFP Ahmed Charaï. Le recteur affirme que les participants à ces scènes seraient «tous volontaires». L'enquête va être approfondie. Le président de l'université, Georges Fauré, va recueillir tous les témoignages écrits afin de les transmettre au rectorat. «Dès à présent, tout est mis en oeuvre pour empêcher que ces agissements de mauvais goût ne se reproduisent», précise le président de l'université. Si l'enquête approfondie révèle que des pratiques de bizutage ont eu lieu, des poursuites seront engagées. Le bizutage est sévèrement réprimé par la loi. Le code pénal prévoit que «le fait pour une personne d'amener autrui contre son gré ou non à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire ou socio-éducatif est puni de six mois d'emprisonnement et de 7500euros d'amende». Une enquête a par ailleurs été ouverte par le procureur d'Amiens. L'affaire a déclenché une vague de réactions irritées sur les forums étudiants.
«C'est clair qu'on cherche le scoop, alors qu'il n'y a a priori rien de bien méchant, écrit l'un d'eux. Il n'y a pas d'obligation de participer, pas de sévices corporels ou bien sexuels. Certes, il y a des pratiques “folkloriques” un peu basiques qui peuvent choquer un nouveau, mais rien à voir avec ce qui a pu se produire par le passé en médecine.»
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature