Que fait Renoir vers 1889-1890? Il abandonne la manière "aigre" ou "ingresque" (c'est-à-dire très dessinée) qu'il avait adoptée dès 1880, "par haine de l'impressionnisme", dira-t-il. Et va inventer une sorte de "modernité classique" en traitant, à côté de scènes d'intérieur ("Jeunes filles au piano" 1892,"Gabrielle et Jean" 1895) et d'admirables portraits ("Paul Durand-Ruel" 1910), des sujets inspirés par les maîtres anciens qu'il admire: Titien, Rubens, Boucher, Fragonard... Ou plutôt UN sujet: le nu féminin, motif quasi obsessionnel de cette dernière période."Le nu me paraît être la forme indispensable de l'art", affirme-t-il.
Couleurs lumineuses et touches mœlleuses
Ainsi prend-il à Titien ses femmes sensuelles aux poses voluptueuses (le "Nu sur les coussins" de 1907 comme en écho à la "Vénus d'Urbin"de 1538) en exaltant la "chair vivante et palpitante" de ses jeunes modèles grâce à des couleurs lumineuses et nacrées posées en touches libres et moelleuses. Et à Cagnes où il s'installe définitivement en 1908, dans ce Midi dont la douceur est sensée apaiser les terribles douleurs qui déforment ses mains, il lui semble communier avec l'antiquité gréco-latine ("Le jugement de Pâris", 1914, bien loin de tout académisme). Et toujours des nus somptueux qui fascinent Bonnard, Matisse ou Picasso. Matisse leur doit ses "Odalisques" et Picasso ses femmes "éléphantesques" et antiquisantes des années 1920.
Le peintre de la Sérenissime
Voici Titien, donc, peintre officiel de la Sérénissime en 1516, en compagnie de Tintoret et de Véronèse. Ils ne se sont pas fait de cadeaux, ces trois-là. Surtout Titien et Tintoret, son élève très fugace mais trop prometteur. Ils ont traité les même thèmes, ont eu les mêmes mécènes et sont allés parfois jusqu'au procès! Mais quelle splendeur! Riche et thématique, l'exposition (un peu à l'étroit, hélas) permet de comparer - entre autres- "Lucrèce et Tarquin" par Titien et par Tintoret. Ou Saint Jérôme. Ou leurs Déposition de croix et Mise au tombeau. Et leurs portraits. Et leurs extraordinaires autoportraits. Et Danaé. Ah! La Danaé érotique de Titien, comme elle a dû plaire à Renoir! Quant à Véronèse, le plus jeune, quelle imagination, quelle poésie ( "Persée et Andromède" 1580), quelle liberté!
Et l'on se demande, devant les ciels, les carnations, les satins pourpres et les moires, si la couleur n'est pas née à Venise, en ce XVIe siècle devenu un Siècle d'Or.
(2) « Renoir au XXe siècle». Grand Palais, square Jean Perrin. Tous les jours sauf le mardi. Jusqu'au 4 janvier.
A lire: Catalogue 464 pages, 49 euros.
"Renoir au XXe siècle" Hors-série Gallimard Découvertes, Sylvie Pétry, 8,40 euros
"Renoir: il fait embellir" Découvertes Gallimard, Anne Distel, 14,50 euros.
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