PAR LE Dr PHILIPPE FRAISSE*
LA TUBERCULOSE est une réelle pandémie se traduisant par 9 millions de nouveaux cas et 2 millions de morts chaque année dans le monde (1). Bien que l'incidence globale de la maladie soit faible en France (8,5/100 000 en 2005) (2) et lentement décroissante, une dynamique défavorable est en route, touchant certaines populations à risque d'exposition élevé (sujets migrants ou se rendant vers des pays de forte incidence, résidant en Île-de-France ou en Guyane, en précarité, personnes âgées autochtones, professionnels de santé ou sociaux). La loi de santé publique en vigueur (3) a donc pour objectif de «stabiliser l'incidence globale de la tuberculose en renforçant la stratégie de lutte sur les groupes et zones à risque ».
L'efficacité de la vaccination BCG n'a pas été mise en doute (4). Cependant, le rapport bénéfice/ risque était remis en question du fait de l'incidence décroissante de la tuberculose, du changement de technique d'injection et de la souche vaccinale utilisée depuis le début 2006, des effets indésirables constatés (tableau) et du coût de la vaccination. Les recommandations internationales étaient de faire dépendre l'abolition de l'obligation vaccinale de la mise en place d'un plan national comportant des mesures efficaces pour lutter contre la maladie. De plus, la décroissance de l'incidence des formes contagieuses ou graves de l'enfant était prise en compte (5). C'est sur cette base que le décret n° 2007-1111 du 17 juillet 2007 relatif à l'obligation vaccinale par le vaccin antituberculeux BCG a suspendu l'obligation de la vaccination généralisée chez l'enfant. Cette suspension est assortie de fortes recommandations d'une vaccination sélective en fonction du risque actuel ou potentiel encouru par l'enfant (6) qu'il est essentiel de connaître (voir encadré). Il est donc à noter que la décision vaccinale dépend désormais du médecin traitant et des parents de chaque enfant.
Un comité de suivi.
Le programme national de lutte antituberculeuse 2007-2009 (7) propose six axes interdépendants, dont la mise en application sera facilitée par un comité de suivi récemment créé. Ces six axes figurent dans l'encadré. L'axe 1 comprend le diagnostic et la prise en charge de la tuberculose maladie. La Haute Autorité de santé a publié en janvier 2007 le guide rénové de l'affection de longue durée 29 tuberculose et un guide destiné aux patients (8) avec une attention particulière à l'éducation thérapeutique et à l'observance d'un traitement conforme, gages de la guérison, et prévention des résistances aux antituberculeux. L'axe 2 concerne le dépistage des tuberculoses dans les populations à risque et celui de l'infection tuberculeuse latente relevant d'un traitement préventif, qui est encouragé notamment chez les sujets contacts des patients contagieux (9). L'axe 5 rappelle le rôle de la déclaration obligatoire (téléchargeable sur le site www.invs.sante.fr) pour l'adaptation des mesures de santé publique à l'épidémie réelle en France (signalons que les issues de traitement devront aussi être déclarées dorénavant).
Ainsi la tuberculose figure parmi les priorités de santé publique en France. Les populations les plus atteintes font l'objet de mesures renforcées en termes de vaccination ou de dépistage. Les axes définis par le programme national impliquent des acteurs complémentaires. La disponibilité de personnes ressources (experts et CLAT) est requise du fait de la raréfaction de l'expérience d'une maladie devenue moins fréquente.
* Hôpital de Hautepierre, Strasbourg.
(1) WHO. Global tuberculosis control : surveillance, planning, financing: WHO report 2008. WHO/HTM/TB/2008.393.
(2) Antoine D, Che D et al.
BEH 2008, n°10-11:69-72.
(3) Loi n° 2004-806 du 9 août 2004. Loi relative à la politique de santé publique (version consolidée au 11 août 2004).
(4) Colditz GA. JAMA 1994;271:698-702.
(5) International Union Against Tuberculosis and Lung Disease. Criteria for discontinuation of vaccination programmes using Bacille Calmette-Guérin (BCG) in countries with a low prevalence of tuberculosis. Tubercle Lung Dis 1994;75:179-80.
(6) Avis du comité technique des vaccinations et du conseil supérieur d'hygiène publique de France. Section des maladies transmissibles, relatif à la suspension de l'obligation de vaccination par le vaccin BCG chez les enfants et les adolescents (séance du 9 mars 2007).
(7) Programme national de lutte antituberculeuse 2007. Consultable sur le site http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers /tuberculose/dossier_de_presse_programme-national-lutte-contre-tuberculose_20070711.pdf.
(8) HAS. Guide affection de longue durée. Tuberculose active. Janvier 2007.
(9) Conseil supérieur d'hygiène publique de France. Groupe de travail Enquête autour d'un cas de tuberculose. Recommandations pratiques. Séance du 24 mars 2006. Rapport consultable sur le site du ministère de la Santé : www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/tuberculose/reco_cshpf.pdf.
Les six axes du programme national de lutte antituberculeuse 2007-2009 (7)
Assurer le diagnostic précoce et le traitement adapté de tous les cas de tuberculose maladie.
Améliorer le dépistage de la tuberculose (maladie et ITL relevant d'un traitement).
Optimiser la stratégie vaccinale par le BCG.
Maintenir la résistance aux antibiotiques à un faible niveau.
Améliorer la surveillance épidémiologique et les connaissances sur les déterminants de la tuberculose.
Améliorer le pilotage de la LAT.
Recommandations de vaccination sélective chez les enfants (6)
La vaccination BCG est fortement recommandée chez les enfants à risque élevé de tuberculose, qui répondent au moins à l'un des critères suivants :
enfant né dans un pays de forte endémie tuberculeuse ;
enfant dont au moins l'un des parents est originaire de l'un de ces pays ;
enfant devant séjourner au moins un mois d'affilée dans l'un de ces pays ;
enfant ayant des antécédents familiaux de tuberculose (collatéraux ou ascendants directs) ;
enfant résidant en Île-de-France ou en Guyane ;
n enfant dans toute situation jugée par le médecin à risque d'exposition au bacille tuberculeux, notamment enfants vivant dans des conditions de logement défavorables (habitat précaire ou surpeuplé), ou socio-économiques défavorables ou précaires (en particulier parmi les bénéficiaires de la CMU, CMUc, AME...), ou en contact régulier avec des adultes originaires d'un pays de forte endémie.
Tout enfant dont les parents demandent la vaccination doit être vacciné, sauf contre-indication.
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