Réduire la mortalité et la morbidité avant 60 ans, diminuer les disparités régionales de santé (quatre ans d'espérance de vie en moins dans le Nord par rapport au Midi), fixer des objectifs pluriannuels de santé, développer la recherche et la formation, et affirmer la responsabilité de l'Etat et le rôle du Parlement, devant lequel le gouvernement rendra compte de ses résultats tous les cinq ans : tels sont les objectifs du projet de loi sur la politique de santé publique (4 chapitres, 51 articles), présenté au conseil des ministres du 21 mai. Il était temps d'en finir avec le « déséquilibre entre l'action curative et l'action préventive ». « Cela coûte cher » de faire l'impasse sur la prévention, « en termes d'argent, de souffrance et de perte de vies », explique devant la presse le ministre de la Santé, après avoir convaincu Jacques Chirac de la nécessité d'engager la lutte contre les défis sanitaires de notre époque.
Sur 150 milliards d'euros de dépenses de santé par an, 147 milliards sont consacrés aux soins et 3 milliards seulement à la prévention. « Il était indispensable, insiste le ministre, de définir une politique de santé des populations. » La santé publique est « restée longtemps incomprise » car elle était « considérée comme une intrusion dans la vie des personnes », et la discipline était choisie, faute de mieux, par les étudiants « classés dans les derniers au concours de l'internat ».
Avec cette loi, l'Etat s'accorde un « rôle de chef d'orchestre », au moyen de deux instances : le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et le Comité national de santé publique (CNSP). Il ne s'arroge pas le monopole de l'action, mais « organise sous son autorité un partenariat ». Car, à côté de l'Etat et de l'assurance-maladie « coexistent une myriade de structures », comme les observatoires régionaux de la santé, les comités départementaux d'éducation pour la santé, les associations spécialisées, les espaces santé jeunes, les centres d'éducation à la santé et à la citoyenneté en milieu scolaire, ou encore les observatoires de la santé au travail.
Cinq programmes
Pour les années 2004-2008, des plans seront développés dans cinq domaines : le cancer, les conduites à risque (violence routière, suicides, toxicomanies, suicides, agressions), la santé environnementale (santé au travail, eaux thermale et minérale), les affections chroniques et les maladies rares (de 200 à 300 nouvelles par an) (1). Quant à l'amiante, qui fait toujours des dégâts, et au saturnisme, non encore éradiqué, ils ne seront pas oubliés, relève Jean-François Mattei.
Un Institut national de prévention et d'éducation pour la santé mettra en uvre les programmes prévus. Il appartiendra, ensuite, aux préfets, à la tête de comités régionaux de santé publique, d'appliquer ces stratégies localement. Des groupements régionaux de santé publique, auxquels participeront les médecins libéraux à travers leurs unions régionales, assureront une surveillance et des investigations épidémiologiques. Dans le cadre de programmes de santé destinés à éviter l'apparition ou l'aggravation de maladies, des consultations médicales périodiques de prévention et des examens de dépistage seront mises en place (arrêté ministériel). A cet égard, la politique vaccinale fera l'objet d'un renforcement, de même que la lutte contre le bioterrorisme. En cas de menaces sanitaires graves, le ministre pourra prescrire, par arrêté, « toute mesure proportionnée aux risques courus ».
Au chapitre formation, une Ecole des hautes études en santé publique sera créée ; elle sera ouverte aussi bien aux médecins qu'aux professionnels en sciences des ingénieurs ou sciences administratives. Jean-François Mattei, qui parle d' « un équivalent de Harvard aux Etats-Unis et de la London School en Grande-Bretagne », tient à affirmer que l'Ecole nationale de santé publique de Rennes « n'est pas menacée » dans son existence. Par ailleurs, le dispositif de formation médicale continue (FMC) est simplifié ; on privilégiera « l'incitation à l'obligation ». « Je souhaite, dit le ministre, que les professionnels de santé s'acheminent vers une progression de carrière, par tranches de cinq ans, sous réserve de FMC et d'évaluation des pratiques professionnelles. »
Les patients ne sont pas oubliés
En matière de lutte contre le tabagisme, Jean-François Mattei se fait fort d'introduire un amendement à son texte, lors de la discussion parlementaire « fin juin, ou à l'automne », « pour une adoption définitive début 2004 ». Il interdira la vente aux mineurs de moins de 16 ans et la commercialisation de paquets contenant moins de 19 cigarettes. Pour l'alcool, en attente d'une interdiction de vente dans les stations-service et de messages sanitaires sur les conditionnements, il compte sur les amendements de parlementaires qui sauront se libérer de la pression des alcooliers.
Pour ce qui est de l'actualisation de la loi Huriet sur la recherche biomédicale, conformément à la législation européenne, le ministre comprend que son confrère Huriet soit « chagriné », mais il voit dans cette modification « une avancée qui renforce le respect et la protection des malades » (le « Quotidien » du 24 avril). A ceux qui lui reprochent d'avoir défait la loi Kouchner du 4 mars 2002, il répond : « Je l'ai complétée en lui donnant plus de force et de cohérence ».
Qu'on se le dise, la place des associations de malades et d'usagers dans le dispositif de santé publique n'est pas oubliée. « Ils seront partout là où ils doivent être représentés. » Un rapport de mission dont l'objet est de proposer les critères de représentativité des associations, confiée à Alain-Michel Ceretti, membre du Collectif interassociatif sur la santé, doit être remis au ministre en juin.
Au total, « le surcoût engendré » par la santé publique ainsi définie ne devrait pas « être considérable », par rapport au 150 millions d'euros dont dispose le Fonds national d'éducation et de prévention en santé.
D'ailleurs, pour Jean-François Mattei, la santé publique n'est pas à opposer aux soins, « les deux approches se rejoignent », se complètent. Il en veut pour preuve le dépistage du cancer du sein, mesure de santé publique par excellence : dès qu'il y a détection d'une tumeur, il donne lieu à des soins. Et, inversement, le traitement d'un cancer d'origine génétique entraîne une action de santé publique dans un cadre familial. En somme, la santé publique, c'est fait aussi pour mieux soigner à temps, laisse entendre Jean-François Mattei, qui n'est « pas seulement ministre de la santé publique, ou des médecins et des malades » mais ministre de la Santé tout court.
(1) 5 % de la population seront touchés par une maladie orpheline au cours de leur vie.
Quelques défis sanitaires
Tous ces problèmes de santé figurent dans le rapport annexé au projet de loi sur la politique de santé publique.
Alcool, tabac, nutrition,
activité physique
santé et travail
santé et environnement
iatrogénie
douleur
précarité et inégalités
déficiences et handicaps
maladies infectieuses
santé maternelle et périnatale
tumeurs malignes
pathologies endocriniennes
affections neuropsychiatriques
maladies des organes des sens
maladies cardio-vasculaires
affections des voies respiratoires
maladies inflammatoires chroniques de l'intestin
pathologies gynécologiques
insuffisances rénales chronique
troubles musculo-squelettiques
affections d'origine anténatale
maladies rares
affections bucco-dentaires, traumatismes
troubles du langage oral ou écrit
reproduction, contraception, IVG
santé des personnes âgées.
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