CE QUI INSPIRE notre préambule, c'est la polémique autour du soutien que Nicolas Sarkozy a apporté aux parrainages d'Olivier Besancenot et de Jean-Marie Le Pen. Nous avons exposé tout récemment les ressorts de cette affaire : une disposition constitutionnelle destinée à empêcher les candidatures irresponsables soumet les candidats au parrainage de 500 élus. Lors de chaque élection présidentielle, quelques candidats éprouvent de grandes difficultés à obtenir le nombre voulu de signatures ; c'est le cas notamment de Jean-Marie Le Pen, qui se plaint avant chaque scrutin mais qui semble bien, cette fois, manquer de parrainages. Ce qui ouvre une perspective alarmante : son incapacité à se présenter, et la fureur dans laquelle elle plongerait ses électeurs, et de sérieuses conséquences politiques, dès lors qu'une bonne fraction du peuple français crierait au déni de démocratie.
Lui, inquiet ?
Il n'est donc pas surprenant que M. Sarkozy ait décidé d'encourager les élus à apporter leurs parrainages aux candidats en difficulté ; pour ne pas être accusé de soutenir le Front national, il a fait bonne mesure en mentionnant Olivier Besancenot. Il s'en est expliqué en disant qu'il ne les porte ni l'un ni l'autre dans son coeur, mais qu'on ne pouvait nier ni à l'un ni à l'autre le droit de participer au scrutin présidentiel.
Porte-parole du PS, Jack Lang a vu dans l'initiative de M. Sarkozy le signe d'une « certaine inquiétude » ; ce n'est certes pas ce qu'il a dit de plus provocateur jusqu'à présent, mais enfin, il ne convaincra personne que M. Sarkozy est inquiet, alors qu'il caracole dans les sondages qui le donnent tous gagnant contre Ségolène Royal et que, dans le camp socialiste, on feint d'ignorer que le « trou d'air » de naguère correspond en réalité à une faiblesse structurelle de la popularité de la candidate.
Egalement au PS, Jean-Marie Le Guen reproche à Nicolas Sarkozy de se montrer «démagogue et dangereusement racoleur», pendant que, de son côté, le Front national, particulièrement ingrat, dénonce les « calculs » électoraux du candidat UMP.
CONDAMNER SARKOZY SUR TOUT ET POUR TOUT? C'EST NIER QU'IL Y AIT DES PROBLEMES D'IMMIGRATION ET DE SECURITE
On notera que ni les socialistes ni les frontistes n'ont expliqué en quoi consistaient la démagogie, le racolage et les calculs de M. Sarkozy. Eh bien, les voici : le candidat de la droite craint un retour de bâton au second tour si les électeurs FN sont privés, au premier, de Jean-Marie Le Pen ; et que le report des voix sur la droite, d'ailleurs limité, ne se fasse pas. Non seulement M. Sarkozy veut éviter la frustration d'un électorat qui représente, bon an mal an, 15 % de l'électorat total, mais ses lieutenants ont entrepris une campagne discrète pour convaincre des maires UMP d'accorder leur signature à M. Le Pen.
Et on reconnaîtra que, si M. Sarkozy a mentionné Olivier Besancenot dans la foulée, c'est effectivement pour que le drapeau de la démocratie qu'il a brandi soit crédible et pour échapper aux accusations de connivence avec l'extrême droite. Cela, cependant, ne fait de lui ni un démagogue, ni un dangereux racoleur, ni un homme particulièrement inquiet. La gauche elle-même n'a pas intérêt à ce que M. Le Pen soit éliminé de la course à la présidence avant le scrutin. Et la droite n'a pas intérêt à ce que M. Besancenot ne puisse se présenter.
Le vrai reproche.
Bien entendu, le reproche de fond qui n'a été formulé avec clarté ni par le FN ni par la gauche, c'est que Nicolas Sarkozy compte sur une partie des voix FN pour l'emporter contre son ou sa rival(e) au second tour. Mais il n'a jamais fait mystère de ses intentions. Depuis le temps qu'on répète que les électeurs de M. Le Pen sont des citoyens français comme les autres, qu'ils se jettent dans les bras de l'extrême droite sous l'empire du désespoir et parce qu'aucun autre parti politique n'écoute l'expression de leur malaise, il serait absurde de diaboliser M. Sarkozy sous le prétexte qu'il essaie de capter une partie au moins de ce courant, tout aussi populaire que les courants de gauche. Le dénigrement de cet électorat est perceptible dans les commentaires de la gauche sur le parrainage, et il correspond à une forme de sectarisme.
Bien entendu, tout cela n'est pas très grave, d'autant qu'il y a beaucoup de vrai dans l'analyse de MM. Lang, Le Guen et consorts ; et que, dans l'excitation de la campagne, (presque) tous les coups sont permis. Notre propos n'est sûrement pas d'exalter le candidat Sarkozy, mais de demander qu'on ne le diabolise pas, parce que c'est hélas exactement ce que l'on fait depuis le début de la campagne et souvent avec succès. Il suffit d'entendre des jeunes parler de lui pour savoir à quel point ils en ont une image négative ; les journaux de gauche le traitent comme si c'était un aspirant dictateur, qui serait coupable d'avoir déjà mis en place des dispositions arbitraires, alors que, comme tout un chacun, il ne peut rien faire sans un vote du Parlement ; et comme si, une fois qu'il serait élu, il allait transformer le pays en république bananière.
Il y a de l'outrance dans cette façon de faire, et elle ne grandit ni certains politiques ni certains journaux. Au fond, condamner Sarkozy sur tout et pour tout, c'est, en somme, nier qu'il y ait un problème d'immigration ou un problème de sécurité. Et nier surtout que chaque dossier est un dilemme qui exige de mettre dans la balance les libertés et les dangers auxquels elles nous exposent si une fraction, fût-elle infime, de la population, ne respecte pas ces libertés.
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