LA MESURE N'EST DONC ni originale ni iconoclaste. Elle est inspirée par une crise du logement liée non pas à une insuffisance de mises en chantier, mais à des prix excessifs. M. Sarkozy n'a pas caché qu'il voulait faire en sorte qu'un maximum de nos concitoyens accèdent à la propriété. Il a raison.
Cependant, on conviendra que, pour élargir la mesure aux prêts bancaires en cours, il a dû désavouer son ministre du Budget, Eric Woerth ; lequel, devant une incertitude de taille, aurait dû demander l'avis de l'Elysée. On admettra aussi que, si M. Sarkozy était pressé de rectifier le tir, c'est pour stimuler la popularité du gouvernement avant le premier tour des législatives. La déduction a donc à la fois une raison politique conjoncturelle et une raison économique à long terme.
Un coût d'au moins 4 milliards.
Les critiques adressées par les socialistes dans cette affaire sont parfaitement fondées. Elles le sont tout autant quand ils expriment leur inquiétude à propos du déficit budgétaire. Un premier calcul évalue à 4 milliards d'euros en année pleine le coût pour l'Etat de la déduction. C'est beaucoup d'argent, et M. Sarkozy devra impérativement nous expliquer avec quelle recette il va financer le manque à gagner. L'opinion, avec l'opposition, est fondée à se demander si le président ne s'est pas accordé un cadeau électoral avant de faire un cadeau fiscal aux accédants à la propriété.
On nous taxera d'optimisme si nous expliquons qu'une économie sur la dépense liée au logement encouragera la consommation et augmentera du même coup les recettes fiscales. Il est vrai que la recherche de l'équilibre budgétaire par la diminution des impôts, souvent pratiquée aux Etats-Unis, est un exercice périlleux. Il l'est encore plus quand un pays croule déjà sous les déficits. Il nous semble donc impératif que le gouvernement de M. Fillon nous présente le plus tôt possible (on veut bien attendre la fin des élections) un projet qui recense la totalité des mesures fiscales qu'il entend prendre et surtout les économies sur les dépenses budgétaires qui en permettront le financement. L'élève Fillon aura la mention bien si, en outre, il prévoit des recettes pour la réduction de la dette publique.
L'ensemble du dispositif tiendra des mobiles de Calder : quelques équilibres improbables et vertigineux ne convaincront personne. Rien ne remplace un calcul simple.
Il faut aussi regarder la réalité en face : la diminution du nombre des fonctionnaires par le non-remplacement d'une partie de ceux qui partent à la retraite (en 2006, elle atteint 9 500, un pourcentage infinitésimal par rapport aux cinq millions de salariés de l'Etat et des collectivités locales) ne doit pas rejoindre l'Olympe des solutions mythiques : la contraction de la fonction publique ne peut pas tout financer.
Sans compter que l'exercice a ses limites : Rachida Dati, par exemple, ne gagnera la confiance des magistrats que si elle en augmente le nombre ; et il va de soi que le nombre des hospitaliers doit non seulement augmenter, mais augmenter sensiblement. M. Sarkozy, quand il s'est rendu récemment à l'hôpital de Dunkerque, n'a pas dit autre chose. Qu'il nous explique maintenant comment il va recruter des soignants, des juges et des policiers tout en diminuant les effectifs de la fonction publique. C'est possible, mais ce doit être clairement exposé.
UNE REFORME FISCALE QUI SEMBLE REPOSER SUR DES EQUILIBRES IMPROBABLES ET VERTIGINEUX
Un package deal.
En matière de budget, tout se tient : les besoins et les moyens, les dépenses et les recettes, les réductions et les augmentations fiscales. Déclarer tout de go et en manière de correction des propos d'un ministre que les intérêts sur l'achat d'un logement seront déduits pour tout le monde ne signifie rien, sinon que c'est une bonne nouvelle. Il faut dire dans quelle sorte de package deal se situe la mesure ; il faut aussi éviter les contradictions : pour financer les dépenses maladie, le gouvernement va expérimenter la TVA sociale, laquelle n'est qu'une hausse de la fiscalité. Il appartient au gouvernement de montrer que son plan repose sur un redéploiement de la fiscalité plutôt que sur une diminution franche et drastique des prélèvements obligatoires. En conséquence, il lui appartient aussi d'expliquer comment l'adoption éventuelle de la TVA sociale serait compatible avec l'objectif d'une réduction de quatre points en cinq ans des mêmes prélèvements.
C'est pourquoi les socialistes disent, non sans raison, que pour le moment, les élections encouragent les cadeaux fiscaux et que les coups de barre seront assénés ensuite.
La réforme de l'Etat et de la fiscalité est souhaitable. Mais une réforme, c'est une action cohérente qui imprime un mouvement tout en tendant vers les grands équilibres. On voit en ce moment le côté dépensier de M. Sarkozy ; on attend de voir le côté grippe-sou.
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