FACE à la panique générale qui a suivi l'annonce du retrait de la cérivastatine, le Pr Eric Bruckert (1) tient à affirmer que les statines restent une classe médicamenteuse efficace et bien tolérée et qu'il n'y a à l'heure actuelle aucun argument qui justifie l'arrêt brutal d'un traitement par toute autre statine, dans la mesure où celui-ci est bien toléré.
« Il serait en effet désolant, explique-t-il, que l'on provoque plus de morts avec des arrêts inconsidérés de traitement que le nombre de décès liés aux rhabdomyolyses. Il faut avant tout relativiser ce risque dans l'intérêt des patients. »
« Par ailleurs, poursuit-il, il faut insister sur le fait que même si la FDA aux Etats-Unis a indiqué qu'il était possible que le rapport bénéfice/risque de la cérivastatine soit globalement un peu moins bon que celui des autres statines, la plupart des accidents importants ont été obtenus soit chez des patients qui n'auraient pas dû être traités, soit avec des fortes doses de cérivastatine - en particulier 0,8 mg/jour -, soit avec l'association cérivastatine/gemfibrozil. »
Il est clair que le problème des effets secondaires et des interactions médicamenteuses entre ces deux familles d'hypocholestérolémiants (fibrates et statines) va être suivi de près. Selon les premières conclusions publiées par l'Agence du médicament (AFSSAPS) dans son communiqué du 10 août, « les données actuelles de pharmacovigilance ont mis en évidence un risque d'atteinte musculaire avec la cérivastatine supérieur à celui rapporté avec les autres statines, tout particulièrement lorsque la cérivastatine est prescrite avec le Lipur (gemfibrozil) ». Il semble en effet y avoir une interaction d'ordre pharmacocinétique spécifique entre la cérivastatine et le gemfibrozil.
« Les effets secondaires musculaires des statines semblent être dose-dépendants, même si l'ensemble des données ne permet pas d'être formel, enchaîne le spécialiste. Cela étant, le risque de rhabdomyolyse existe quelle que soit la dose, mais il est beaucoup plus fréquent lorsque la dose est élevée. »
Concernant les éventuelles conséquences sur de futures recommandations de traitement de l'hypercholestérolémie, il est encore trop tôt pour se prononcer. Comme l'a rappelé l'AFSSAPS, pour l'instant ces informations nouvelles sur la cérivastatine ne modifient pas l'évaluation du rapport bénéfice/risque des autres médicaments anticholestérol de la classe des statines et, par conséquent, leurs modalités de prescription. Il faudra attendre le résultat de l'analyse des données menée notamment par l'AFSSAPS en France et par l'Agence européenne du médicament.
A partir d'un entretien avec le Pr Eric Bruckert, service d'endocrinologie, métabolisme, prévention des maladies cardio-vasculaires, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
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