« la Salle des meurtres », de P. D. James
Une transfuge du monde médical
LA DESTINÉE de P. D. James, une vieille dame très digne de 83 printemps et sacrée reine du crime en seulement 16 romans, n'est pas banale. Elle a d'abord été fonctionnaire à l'Assistance publique, puis administratrice d'hôpital, avant d'entrer au ministère de l'Intérieur où elle est restée vingt ans, entre le moment où elle a écrit son premier roman, « A visage découvert » - dont le manuscrit fut immédiatement accepté et publié en 1962 - et celui où le succès de « la Meurtrière », aux Etats-Unis, lui permit de prendre sa retraite... six mois avant la date prévue. Phyllis Dorothy James est par ailleurs pair du royaume, elle siège à la Chambre des lords, où elle défend notamment le droit à l'éducation, elle qui a dû quitter l'école à seize ans. Pour en savoir plus sur ce personnage hors du commun, il suffit d'ailleurs de se référer à son autobiographie en forme de journal parue en 1999, « Il serait temps d'être sérieuse... ».
Sérieuse et malicieuse, elle l'est encore dans son dernier roman dont le titre annonce la couleur, « la Salle des meurtres » (2).
Il s'agit ici d'un véritable huis clos, qui a pour cadre un petit musée imaginaire situé dans le quartier de Hampstead, à Londres, le musée Dupayne, entièrement consacré aux années 1930, et plus précisément la salle reconstituant tous les meurtres célèbres de ces années-là.
On a le temps de s'imprégner de l'atmosphère inquiétante de cette pièce et de la psychologie des personnages, puisque le meurtre ne survient qu'au tiers de l'ouvrage. La victime est le psychiatre Neville Dupayne, l'un des trois héritiers du fondateur du musée avec son frère Marcus et sa sœur Caroline. Contrairement à eux, et face aux difficultés financières de l'institution, il était favorable à sa fermeture. Aussi, lorsqu'on retrouve son cadavre carbonisé dans l'enceinte de l'établissement, c'est tout naturellement que le commandant de Scotland Yard Adam Dalgliesh fait porter ses soupçons sur le personnel, du conservateur au jardinier.
A noter que P. D. James ajoute une cerise sur le gâteau du suspense puisqu'elle permet au bon Dalgliesh - une vieille connaissance - de déclarer sa flamme à Emma... par écrit et au dernier chapitre, certes, mais puisqu'il en était tombé amoureux dans le précédent roman, « Meurtres en soutane », on peut supposer qu'ils formeront un couple dans le prochain ! A suivre...
Editions Fayard, 467 p., 22 euros« la Salle des meurtres », de P. D. James
« Crime par ascendant », de Ruth Rendell
Un médecin assoiffé de sang.
COMME P. D. James, Ruth Rendell siège à la Chambre des lords, dont elle est membre à vie. Une reconnaissance pour cette reine du suspense qui, depuis trente ans, fait battre nos cœurs et se dresser nos cheveux. Et l'occasion de nous faire découvrir, avec « Crime par ascendant », un polar historique, les arcanes de cette vénérable institution avec ses côtés spirituel et temporel, ses vestibules des Satisfaits et Insatisfaits, son bureau du Bâton noir et son trône.
On y pénètre avec Martin Nanther, ou plus exactement Lord Nanther, quatrième du nom, qui entreprend de rédiger la biographie de son arrière-grand-père après avoir découvert les cinquante-deux volumes du journal intime qu'il avait tenu toute sa vie. Une très honorable vie de médecin attitré de la reine Victoria, spécialiste de l'hémophilie, maladie qui décima les mâles de la dynastie royale. Un médecin tellement apprécié que, bien qu'incapable d'empêcher le décès du prince Leopold, il a été fait malgré tout Lord héréditaire par la reine.
Or, au fur et à mesure qu'il retrouve des documents d'époque et recueille les témoignages de membres de sa famille dont il ne soupçonnait pas l'existence, Martin met à jour un monstrueux secret.
Bien que se déroulant au XIXe siècle, le récit imaginé par Ruth Rendell, qui est celui d'un chercheur fou - mais le personnage est bien plus complexe que cela - est d'une brûlante actualité. L'horreur aussi traverse les siècles.
Editions Calmann-Lévy, 523 p., 21,50 euros
« la Nuit est mon royaume », de Mary Higgins Clark
Le héros est un drôle d'oiseau
AVEC 238 600 EXEMPLAIRES de « Une seconde chance », Mary Higgins Clark s'est classée troisième au hit-parade des ventes 2003 - et deuxième des meilleures ventes de poche (308 400 exemplaires). Il faut, par ailleurs, souligner, avec Dominique Goust, directeur général du Livre de poche, que les 70 000 ventes en 2003 de « la Nuit du renard » (grand prix de littérature policière en... 1980) « marquent son entrée au panthéon des classiques, aux côtés d'Agatha Christie, de Maurice Leblanc et de Georges Simenon ».
Le dernier Mary Higgins Clark (le vingt-troisième publié chez Albin Michel) est de très bonne facture. Quiconque met le nez dans ce suspense, qui se déroule dans le huis clos de la ville de Cornwall-sur-Hudson, ira jusqu'au bout du cauchemar, dans le - vain - espoir de démasquer le coupable, honneur qui revient à l'auteur à la quasi dernière page.
Nous voilà donc en compagnie des anciens élèves de la Stonecroft Academy, venus fêter le vingtième anniversaire de leur diplôme. Ils et elles sont maintenant, du moins le petit groupe qui nous intéresse, au faîte de la réussite, même ceux qui ne brillaient pas au lycée : dramaturge, actrice, psychologue, agent immobilier, directeur de chaîne de télévision ou historienne reconnue comme Jane Sheridan.
Elle, n'avait aucune envie de fêter l'année de son diplôme - qui fut celle de la mort de son petit ami alors qu'elle attendait un bébé, qu'elle dut abandonner aux bons soins d'une famille adoptive - mais elle est venue parce qu'un hommage doit être rendu à son amie Alison, noyée moins d'un mois auparavant dans sa piscine.
Tristes « coïncidences » mises en lumière par un reporter en herbe qui va jouer son rôle dans cette histoire : cinq autres élèves de cette classe sont mortes ou ont disparu au cours des vingt dernières années. La voiture de Catherine a dérapé et a sombré dans le Potomac, Cindy a été emportée par une avalanche à Snow Bird, Gloria s'est suicidée et l'avion que Debra pilotait s'est écrasé.
En même temps qu'elle déroule les festivités de ce week-end prolongé, Mary Higgins Clark sonde la psychologie de ce petit groupe de camarades en rappelant des scènes d'hier et en montrant, derrière le statut social et la façade de respectabilité actuels, ce qu'ils sont réellement.
Et parallèlement, on suit les préparatifs du Hibou, le tueur en série qui met un masque d'oiseau de nuit pour accomplir ses crimes. Il fait partie de la bande d'amis, mais qui est-il ? car tous, hier ou aujourd'hui, ont quelque chose à se reprocher ou des raisons d'en vouloir aux autres. Et l'on s'intéresse particulièrement à la gentille Jane Sheridan, qui est loin de se douter qu'elle est la prochaine cible d'un homme assoiffé de vengeance...
Editions Albin Michel, 438 p., 22 euros
La Donzelle : le dard de Picouly
Daniel Picouly, l'auteur très estimé du « Champ de personne », qui avait fait ses débuts avec un polar très noir treize ans auparavant (« la Lumière des fous »), revient à ses premières amours mais avec une approche très particulière du genre, un « à la manière de... » qu'il détourne à son profit. A la manière du maître San-Antonio, qu'il a placé un moment, rappelle-t-il, au même niveau (dans le fond de son sac) que Proust et auquel il rend hommage de façon jubilatoire.
Il a donc imaginé une commissaire du « 36.2 Quai des Orfèvres » dotée d'un « braquemart vif-argent » assorti à son tailleur couture et flanquée de deux sous-fifres complices dont l'un, Fort-de-Fruit, vient évidemment de Fort-de-France et l'autre, Rabon, est hermaphrodite.
Sexy ( « 1 m 78, 58 kg ; 95-54-93. Le genre de tiercé que vous ne pourriez pas toucher sans désordres multiples... ») et complètement déjantée, la Donzelle se raconte et raconte ses exploits sans reprendre haleine.
Daniel Picouly nous emporte dès la première page dans une logorrhée incroyable, une envolée de mots à double sens et de jeux de mots vaseux, de calembours et de situations absurdes, il nous interpelle, multiplie les allusions salaces, les apartés réservés aux initiés, sans jamais tomber dans la vulgarité primaire. Le verbe est roi dans ce roman « traduit du français par Daniel Picouly », est-il précisé sur la première page (!) et l'on se demande s'il ne va pas s'essouffler avant la fin de cette histoire dont l'intrigue improbable - le mystère de la disparition d'une traductrice de l'ambassade de X-landes, où il se passe d'incroyables histoires de « clonerie humaine » - s'efface devant les mots. Et bien, rassurez-vous, il tient le rythme jusqu'à la dernière page !
Élève inspiré, Daniel Picouly prévoit, comme l'a fait Frédéric Dard, un titre par an, qui permettront à la Donzelle des incursions dans les milieux littéraires mais aussi la politique, le sport, l'art, etc. Chacun doit s'attendre à en prendre pour son grade !
Editions du Rocher, 233 p., 16,90 euros
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